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Une aide ciblée est nécessaire pour les anciens enfants-soldats de RDC

Child Soldier, DRC Guy Oliver/IRIN
Child Soldier, DRC
Les actions de grande envergure menées contre les chefs de milices en République démocratique du Congo (RDC) n’ont pas réussi à freiner le recrutement d’enfants au sein des groupes armés. Il reste beaucoup à faire pour enrayer le phénomène, empêcher la réincorporation d’enfants libérés et aider les victimes à se reconstruire.

Le 9 juin, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité à l’encontre de l’ancien général congolais, Bosco Ntaganda, notamment « l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de quinze ans et leur utilisation pour les faire participer activement à des hostilités ».

L’affaire Bosco Ntaganda fait suite à l’inculpation de Thomas Lubanga en 2012 qui a été reconnu coupable d’enrôlement d’enfants-soldats dans le nord-est de la RDC et purge actuellement sa peine.

À l’année 2011, plus de 30 000 enfants-soldats congolais avaient été officiellement démobilisés des rangs des groupes armés et rendus à leur famille après avoir été impliqués dans le conflit en RDC, d’après la Banque mondiale.

Depuis 1996, la pratique consistant à recruter des enfants de moins de 15 ans – l’âge en dessous duquel l’enrôlement d’enfants constitue un crime de guerre condamné par la CPI – originaires des régions de l’est et du centre de la RDC, est devenue systématique et répandue dans toutes les bandes armées.

Malgré les efforts constants de la communauté internationale pour désarmer, démobiliser et réinsérer les enfants-soldats, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) constate dans un rapport récent que près de 1 000 enfants ont été recrutés par des groupes armés pour la seule période de 2012 à 2013, notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC.

Donatien Nduwimana est l’auteur d’une étude publiée en 2013 sur la réinsertion des enfants-soldats. Un ancien commandant d’une milice Maï-Maï qui opère dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu lui a confié : « les enfants sont disponibles, car ils n’ont rien d’autre à faire, ils sont extrêmement obéissants aux ordres, ils ont des besoins simples qu’il est facile de satisfaire ».

Ainsi, les groupes armés emploient desméthodes sophistiquées pour grossir les rangs de leurs troupes en recrutant des mineurs. Ces enfants sont contraints de travailler comme cuisiniers, espions et soldats de première ligne, ainsi que comme esclaves sexuels. La maison et l’école, censées être des lieux sûrs, sont la cible régulière de raids militaires au cours desquels les enfants sont enlevés.

Selon William Lifongo, conseiller à la protection de l’enfance et directeur adjoint de la section Protection de l’enfance de la MONUSCO, des garçons et des filles « ont été incités à s’enrôler. Ils l’ont fait, poussés par la promesse de recevoir une éducation, un travail et des récompenses militaires au sein des groupes armés. Certains ont dit s’être enrolés pour se protéger ; ils pensaient que c’était un moyen d’être en sécurité ».

L’impact du verdict de l’affaire Lubanga

Mariana Goetz, ancienne directrice adjointe de l’organisation non gouvernmentale (ONG) de défense des droits de l’homme REDRESS, a signalé que l’utilisation d’enfants au sein de groupes armés s’était banalisée, notamment avant la condamnation de Lubanga.

« Lorsque l’on expliquait le concept de recrutement d’enfants, les gens étaient souvent perplexes. Ils comprenaient sans problème que le pillage, le viol et le meurtre étaient des crimes majeurs, mais ils considéraient presque que le recrutement d’enfants était une obligation ou un droit pour les groupes armés… Les communautés envoyaient tout ce qu’elles pouvaient pour soutenir l’effort de guerre du chef de leur ethnie, et cela pouvait être une vache aussi bien qu’un enfant, selon ce qu’elles possédaient », a-t-elle déclaré à IRIN.

De nombreux combattants rebelles actuels sont passés par des programmes de démobilisation, pour ensuite être de nouveau recrutés par des groupes rebelles. Nombre d’entre eux n’ont trouvé aucune source de subsistance alternative. Leurs anciens leaders les ont soumis à des pressions pour les convaincre de les rejoindre, ou bien c’est la perpétuation de l’insécurité dans leurs régions d’origine qui les a incités à se remobiliser  
Dans l’affaire Lubanga jugée par la CPI, Luc Walleyn – représentant juridique de 22 des 133 victimes, dont de nombreux enfants – a déclaré que certains de ces clients ignoraient que leur recrutement constituait déjà en soi un crime d’après le droit pénal international.

« Ils pensaient être victimes de comportement criminel seulement dans la façon dont ils étaient traités par les commandants, car ils vivaient dans des conditions horribles dans les camps d’entraînement et en situation de guerre », a indiqué M. Walleyn.

Cependant, depuis l’énoncé du verdict de culpabilité, il y a une meilleure prise de conscience du crime du recrutement d’enfants-soldats. « La condamnation sert surtout de dissuasion. Les chefs de guerre recrutent dans la clandestinité. Ils font tout pour que les enfants ne soient pas visibles lorsque leurs bastions sont visités », a déclaré à IRIN Nicaise Bumba, secrétaire exécutif de l’ONG Justice Plus. « Je constate qu’ils sont inquiets, car ils sont au courant des poursuites pénales encourues ».

Mais Thomas Lubanga suscite des réactions diverses dans le pays. Il est toujours considéré comme un héros local dans certaines communautés. D’après les estimations de Jason Msafiri, journaliste indépendant local, plus de 80 pour cent de la communauté Hema attend avec impatience sa libération.

Les Hema « le considéraient comme un libérateur des massacres perpétrés par les Lendu. De plus, il poussait les éléments extrémistes à devenir modérés », a déclaré à IRIN M. Msafiri.

Les raisons de l’échec de la DDR par le passé

Le gouvernement a lancé un certain nombre de programmes de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) au fil des ans, mais sans grand succès.

« De nombreux combattants rebelles actuels sont passés par des programmes de démobilisation, pour ensuite être de nouveau recrutés par des groupes rebelles. Nombre d’entre eux n’ont trouvé aucune source de subsistance alternative. Leurs anciens leaders les ont soumis à des pressions pour les convaincre de les rejoindre, ou bien c’est la perpétuation de l’insécurité dans leurs régions d’origine qui les a incités à se remobiliser », est-il expliqué dans un article sur les groupes armés congolais publié par l’Institut de la Vallée du Rift et le projet Usalama.

Pour les enfants surtout, « le programme [de la Commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion – CONADER, fondé en 2004 et aujourd’hui arrêté] n’a pas su s’adapter aux réalités du terrain », a déclaré à IRIN un responsable du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qui a demandé à garder l’anonymat. « Les ONG n’ont pas réussi et, par conséquent, il y a toujours des problèmes sociaux comme la délinquance, le banditisme et le recrutement d’enfants par les groupes armés. »

« Le programme DDR comporte trois volets ; le désarmement, la démobilisation et la réinsertion. L’échec qui préoccupe la population concerne la réinsertion. C’est la communauté et l’État qui sont responsables ; les communautés ne sont pas capables d’encadrer et de surveiller correctement ceux qui sont démobilisés, et l’État n’assure pas la sécurité », a affirmé Flory Kitoko, ancien membre de la CONADER.

Les réinsertions qui échouent

« Les mécanismes de réinsertion des enfants s’améliorent depuis les échecs passés », a déclaré Aimé Birido, coordinateur de l’ONG AJEDEC (Association des jeunes pour le développement communautaire) qui vient en aide aux enfants séparés de leurs familles dans la province Orientale.

Dès le début du processus de DDR, la réinsertion des enfants était menée presque comme celle des adultes et sans grand succès, a indiqué M. Birido.

Mais depuis, le processus de DDR pour les enfants a été modifié. En procédant à l’étude des programmes de protection des enfants en RDC dans les situations d’urgence, l’UNICEF a déclaré dans son rapport d’évaluation publié en août 2013 que depuis 2008, le fonds avait pu distribuer « plus de 24 000 kits individuels de soins, d’éducation et de formation professionnelle pour les garçons et les filles libérés des forces et groupes armés ».

Le rapport a également indiqué que le nombre de recrutements d’enfants semblait être en baisse et que « l’âge des enfants recrutés semblait avoir augmenté ».

« La réinsertion est une sorte de processus pluridimensionnel à long terme. Elle implique de nombreux intervenants ; la famille, la société civile, la communauté, l’église, le système juridique et les bailleurs de fonds », a déclaré Buken Waruzi, directeur de programme de l’ONG WITNESS pour l’Afrique et le Moyen-Orient. « Il faut du temps pour que toute la communauté comprenne que l’identité d’un enfant-soldat ne doit pas être entachée de honte ou de criminalité. »

Les ONG qui supervisent le processus de réinsertion doivent souvent négocier avec les familles pour que ces dernières acceptent de reprendre leurs fils et leurs filles. Mais, « les enfants sont parfois rejetés par leur propre famille », a déclaré Tom Gillhespy, directeur de programmes de l’ONG Peace Direct pour l’Afrique.

« Ils peuvent être considérés comme une honte pour leur famille, ou parfois le processus de recrutement les a obligés à attaquer les personnes qu’ils connaissaient, afin de rompre leurs liens sociaux. Ainsi, beaucoup de tactiques utilisées dans le recrutement des milices peuvent sérieusement compromettre leur réinsertion sociale », a-t-il ajouté.

Le manque de suivi et d’évaluation

L’un des principaux obstacles à l’évaluation du succès des programmes de DDR pour les enfants est le manque de données disponibles sur le parcours de ceux qui ont été réinsérés dans la société.

« En général, après la démobilisation, ils sont beaucoup à être toujours en conflit avec leur famille. Nombre d’entre eux sont de simples enfants des rues. Ils sont pauvres, sans emploi et sans abri. Ils creusent pour trouver de l’or dans des mines ou deviennent coursiers à vélo », a déclaré M. Walleyn.

« Certains d’entre eux réussissent leur réinsertion. Mais ceux qui s’en sortent bien sont très peu nombreux ; peut-être 7-10 pour cent. Même ceux qui ont reçu une éducation ou une formation professionnelle ont aujourd’hui du mal à gagner leur vie, car il n’y a pas de débouché après l’école. Ils ne peuvent pas trouver de travail, ils ne peuvent rien trouver du tout », a déclaré M. Waruzi.

L’UNICEF a reconnu dans son rapport que les lacunes constatées étaient le manque d’informations sur les jeunes filles recrutées, ainsi qu’une mauvaise documentation et analyse des suivis après la réinsertion, ce qui entrave la conclusion des résultats à long terme et empêche de connaître la véritable ampleur de la réincorporation.

M. Waruzi a affirmé que le gouvernement devait faire davantage pour offrir une aide à long terme aux anciens enfants-soldats. « Les ONG peuvent recueillir des subventions ici et là, mais ces subventions aideront seulement pendant quelques années », a-t-il averti. « La réinsertion est l’affaire de toute une vie. Si un enfant revient du camp militaire avec le VIH par exemple ; peut-on se contenter d’intervenir seulement un, deux ou trois ans ? Il faut que ce soit pour la vie entière. »

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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