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Trois innovations notables de l’humanitaire en 2016

Ben Parker/IRIN
Refugees in Lebanon receive cash aid on bank cards

Marquée par le premier Sommet humanitaire mondial, qui a eu lieu en mai à Istanbul, 2016 était supposée être l’année du remodelage de l’aide (#ReShapeAid). Si la réunion n’a pas été à la hauteur du battage publicitaire qui l’a précédée, le document qui en a résulté – la Grande Négociation (« Great Bargain ») – montre la voie à suivre, du moins en ce qui concerne une foule d’enjeux humanitaires importants allant de la transparence au financement pluriannuel, en passant par la réduction des fonds préaffectés, la localisation accrue de l’aide et l’amélioration de la collaboration entre les acteurs de l’humanitaire et du développement.

Si les observateurs demeurent partagés quant à savoir si les promesses faites à Istanbul seront réalisées, on peut cependant se féliciter que les trois innovations ou initiatives suivantes aient gagné du terrain en 2016 :

« Humanitarian Impact Bonds »

Les besoins de financement du secteur humanitaire sont plus élevés que jamais, mais il suffit de jeter un coup d’oeil aux chiffres pour constater que le déficit de financement pour la réponse d’urgence ne cesse de se creuser. Trouver de nouveaux moyens de financer l’aide est donc une priorité.

Officiellement lancé en mai à l’occasion du SHM, le « Humanitarian Impact Bond » (HIB) du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) vise à diversifier les sources de financement humanitaire en ayant recours à des investissements privés jusqu’ici inexploités.

« Nous ne pouvons pas simplement attendre que le conflit se termine pour dire que les acteurs du développement peuvent maintenant venir et que les investisseurs peuvent maintenant se manifester », a dit à IRIN Yves Daccord, le directeur général du CICR.

Le HIB fonctionne de la façon suivante : un investisseur social finance le lancement d’un projet qui, à son avis, aura un résultat positif significatif. Il s’agit d’un investisseur privé, qui est capable « d’investir sérieusement », comme l’indique M. Daccord.

Un bailleur de fonds dit « de résultat » (« outcome funder ») – une fondation ou un gouvernement, la plupart du temps – promet de financer l’intégralité du projet si les résultats prédéfinis sont atteints. Il rembourse alors l’investisseur social en ajoutant un montant déterminé en fonction du niveau d’atteinte des objectifs. À titre d’exemple, le gouvernement belge a promis de verser 10 millions d’euros pour soutenir le programme de réadaptation physique du CICR, mais il dépensera uniquement l’argent si l’impact du projet est considéré comme satisfaisant.

Impact bond explainer
ICRC

M. Daccord explique que le HIB du CICR exige un engagement obligataire de 5 ans. Cela devrait permettre aux organisations non gouvernementales (ONG) de planifier à plus long terme. Cette innovation est également en phase avec la demande croissante pour un financement pluriannuel exprimée à plusieurs reprises pendant et à la suite du SHM.

Selon le CICR, le HIB permet notamment d’encourager les innovations destinées à améliorer les résultats humanitaires ; de favoriser l’implication des investisseurs privés dans le financement humanitaire ; et de mettre réellement l’accent sur les résultats des projets. Le HIB n’est en outre pas soumis aux fluctuations du marché.

Or des doutes subsistent quant à la durabilité du concept : les bailleurs de fonds obtiennent des garanties supplémentaires, mais ils doivent aussi payer un montant additionnel pour couvrir les intérêts versés à l’investisseur social.

« Il y a une prime impliquée : l’investisseur s’attend à finalement tirer un avantage de son investissement », a dit à IRIN Lydia Poole, consultante en finance humanitaire. « Lorsque le bailleur de fonds aurait pu financer cette intervention par une subvention, l’avantage qu’il tire de l’utilisation de cet instrument doit être suffisamment important pour justifier le paiement de cette prime supplémentaire. »

(Cliquez ici pour regarder la vidéo explicative du HIB du CICR) 

Aide en espèces

C’est en 2016 que le concept d’aide en espèces a atteint sa maturité. Le recours accru à l’aide en espèces a été globalement approuvé par les participants du SHM. World Vision et le Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC) ont promis que la moitié et un quart de leurs programmations respectives prendraient la forme de transferts en espèces en 2020, mais la Grande Négociation n’a pas établi des objectifs fermes pour l’utilisation élargie de ce type d’aide.

À la suite du SHM, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a annoncé son intention de doubler les fonds pour les allocations d’aide en espèces d’ici 2020.

Ces engagements sont significatifs, mais ce sont les mesures adoptées pour les concrétiser qui feront une réelle différence, a expliqué Paula Gil Baizan, coordonnatrice pour le plaidoyer du Cash Learning Partnership (CaLP).

« J’espère que si 2016 était l’année des discours, 2017 sera l’année de l’action », a dit Mme Baizan à IRIN. « Je ne dirais pas que [2016] est l’année qui a fait de l’aide en espèces la tendance dominante ; c’est plutôt une année qui a vu de nombreux acteurs s’engager publiquement à en faire une tendance dominante à l’avenir », a-t-elle poursuivi. « Mais, en voyant les engagements qui ont été pris cette année, j’espère qu’elle le deviendra effectivement en 2017, 2018 et 2019. »

Mme Baizan se réjouit de voir que les bailleurs de fonds et les décideurs sont désormais enthousiastes face au recours à l’aide en espèces – c’était autrefois un domaine réservé aux experts techniques –, mais elle insiste sur l’importance de garder à l’oeil les pays individuels pour voir comment ils s’y prennent.

Les limites de ce type d’aide deviendront certainement plus claires après le lancement des programmes pilotes. Lorsqu’IRIN s’est intéressé à l’utilisation des transferts en espèces pour venir en aide aux réfugiés au Liban, par exemple, il a découvert qu’ils ne permettaient pas de satisfaire les besoins allant au-delà des solutions offertes par le marché ; de construire des institutions locales ; de régler tous les cas problématiques ; ou d’habiliter les ONG locales à jouer un plus grand rôle.

Réduction de la bureaucratie

Lancée en décembre 2015 par le Conseil international des agences bénévoles (International Council of Voluntary Agencies, ICVA) ainsi que par des ONG et réseaux affiliés, la campagne Less Paper More Aid [moins de papier, plus d’aide] vise à réduire de façon significative la bureaucratie actuelle du secteur de l’aide, qui est à la fois coûteuse en temps et en argent.

Le premier rapport, publié en avril, a conclu que la bureaucratie excessive des organisations humanitaires empêchait les travailleurs humanitaires de première ligne d’oeuvrer sur le terrain. Les ONG étudiées avaient en moyenne 36 échéances de reporting par pays par année. Pour certaines, ce chiffre s’élevait à 80. L’étude a également indiqué que « typiquement, les ONG ont besoin de 440 heures et de sept employés issus de différentes équipes pour réaliser chaque audit ; la préparation de chacun des rapports aux bailleurs de fonds exige quant à elle l’implication de huit employés ».

Rédigée lors du SHM, la Grande Négociation oblige ses signataires à améliorer l’efficacité de l’aide, notamment en harmonisant les propositions des bailleurs de fonds et les exigences de reporting et en limitant la préaffectation de fonds à des projets spécifiques. La campagne a récemment conçu un processus inclusif qu’elle espère pouvoir mettre en oeuvre au cours des deux prochaines années.

« Notre priorité est de rassembler les gens qui écrivent les rapports et ceux qui les lisent et de les faire collaborer de manière à contribuer à la réalisation collective des engagements énoncés dans la Grande Négociation d’ici la fin de 2018 », a écrit Melissa Pitotti, du réseau ICVA, dans un courriel adressé à IRIN.

L’année 2016 a également vu le lancement d’un certain nombre d’autres initiatives importantes, notamment l’Initiative Assurance Qualité Humanitaire (Humanitarian Quality Assurance Initiative), la Charte pour le changement, qui préconise une aide humanitaire plus locale, et le réseau NEAR, qui regroupe des ONG du Sud.

Lire aussi : De brillantes idées pour améliorer l’aide humanitaire​

apm/ag/as-gd/amz

(PHOTO DE COUVERTURE : Les réfugiés au Liban reçoivent une aide en espèces via une carte de retrait. Ben Parker/IRIN)

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