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L’avenir du déploiement rapide

Une plateforme à la Airbnb peut-elle améliorer le déploiement de l'aide en situation de crise ?

WFP trucks convoy delivered food supplies during a relief effort in Somalia Cristiano LaRuffa/WFP
WFP trucks convoy delivering food supplies during a relief effort in Somalia

Une nouvelle initiative baptisée HumanSurge prétend devenir l'Airbnb ou l'Uber de l'intervention d'urgence. Encore lui faudra-t-il s'adapter aux réalités changeantes du terrain, sans quoi elle ne résoudra pas le problème du déploiement d'urgence.

Au lendemain d'une crise soudaine, la course à la montre visant à déployer les bons intervenants au bon endroit a toujours représenté un défi pour les agences d'aide humanitaire. 

Conformément aux recommandations d'une étude de référence datant de 2007, les groupes d'aide humanitaire ont amélioré leur capacité de « déploiement rapide » - comme on dit dans le jargon - ces dernières années, en créant des registres internes, en apportant un soutien organisationnel et en accélérant le déblocage des financements requis. Des organisations capables de fournir des services rapides, spécialisés et de qualité - de type ACAPS, MapAction ou encore JIPS - ont fait leur apparition.

Mais un nouveau rapport, publié ce mois-ci par le consortium d'organisations non gouvernementales START Network, estime qu'en dépit des progrès accomplis, les mécanismes de déploiement rapide n'ont pas su s'adapter à un environnement en perpétuelle mutation.

Un environnement en mutation

Tout d'abord, les individus et les institutions sur le terrain - des gouvernements locaux aux organisations de la société civile, en passant par les réseaux de la diaspora - ont davantage de moyens d'agir qu'autrefois.

« Comment les agences vont-elles adapter leur modèle - qui, pour beaucoup, consiste à dépêcher le maximum de personnes sur place, généralement des blancs européens - alors que les capacités requises sont disponibles dans le pays ou dans la région ? » s'interroge l'auteur du rapport, Glenn O'Neil. « De nombreuses agences continuent de penser que leur présence sur place est indispensable à un déploiement rapide - et si ce n'était pas le cas ? »

En accord avec la tendance actuelle plaidant pour une  intervention d'urgence plus localisée, Oxfam America a lancé une campagne intitulée « No parachute needed » (Pas besoin de parachute) le mois dernier, appelant le gouvernement américain à investir davantage dans le renforcement des capacités locales pour faire face aux situations de crise. 

Billboard of local aid worker

Le secteur privé joue lui aussi un rôle croissant et de plus en plus proactif - surtout avec la demande grandissante pour de nouveaux domaines d'expertise encore introuvables dans l'industrie, comme la gestion de la monnaie électronique.

Et il est de plus en plus fréquent que des tâches relevant traditionnellement de travailleurs humanitaires professionnels soient désormais assurées par des bénévoles. Malgré leur manque de formation et d'appui, ces derniers s'avèrent souvent plus réactifs que les grosses organisations, comme on a pu le constater avec la crise des réfugiés en Europe, par exemple.

« En Grèce et en Hongrie, dès que nous avions vent de nouvelles arrivées, nous nous rendions sur place - des bénévoles s'y trouvaient déjà, en train de fournir de l'aide », a dit à IRIN un travailleur humanitaire travaillant pour une grande ONG. « Nous faisions au plus vite, mais ils étaient plus rapides que nous. »

HumanSurge

En Syrie, où les Nations Unies ont testé leur protocole d'urgence « Niveau 3 » censé accélérer le processus de recrutement du personnel de haut niveau, une évaluation récente a conclu à des retards dans le déploiement des postulants du réservoir de coordinateurs humanitaires de niveau 3 (les plus hauts responsables humanitaires en situation de crise) et à un manque de personnel doté « de l'expérience et des qualifications requises ».

Ceux d'entre vous qui connaissent bien le jargon devraient savourer cette vidéo (en anglais) :

Dans une volonté de résoudre certains des problèmes associés aux mécanismes traditionnels de déploiement rapide, un groupe d'anciens travailleurs humanitaires a lancé HumanSurge plus tôt cette année. 

Cette plateforme en ligne indépendante tente d'appliquer l'approche Uber/Airbnb aux interventions humanitaires.

« Nous nous sommes dit : et si l'on créait une plateforme sur laquelle il serait possible de rechercher [un professionnel humanitaire] comme on recherche un vol ou un hôtel ? », explique Loek Peeters, le PDG de HumanSurge. « La plupart des registres existants sont compartimentés. Ils sont tous propres à une organisation ou à un pays. Nous pouvons mettre les outils du 21e siècle à profit dans le domaine humanitaire et créer une unique plateforme commune. » (Les Nations Unies disposent de registres thématiques répertoriant des conseillers spécialisés dans les questions de parité et de protection, pré-approuvés et disponibles au pied levé, avec la possibilité de déployer des équipes pré-formées sous un délai de 12 heures afin d'assister les gouvernements dans leur travail d'évaluation et de coordination au début d'une crise. Mais la plupart des registres se cantonnent à une organisation donnée). 

HumanSurge invite tous les travailleurs humanitaires, quelle que soit leur affiliation, à s'enregistrer gratuitement dans leur base de données. Les organisations cherchant à combler des postes vacants peuvent la consulter pour recruter des candidats répondant à leurs attentes. Cela permet aux petites ONG n'ayant pas les moyens de tenir un registre d'accéder à un plus gros réservoir de main-d'œuvre. Les organisations versent une commission standard, et la plateforme est gérée selon un modèle d'entreprise sociale autofinancée - à but non lucratif.

Cette idée de plateforme, M. Peeters l'a mûrie grâce à son expérience d'intervenant d'urgence.

« J'ai été confronté à ces problèmes sur le terrain - travailler dans une équipe incomplète où des éléments clés manquent à l'appel ou ne sont pas en mesurer d'arriver à temps. J'apparais dans les registres [d'agences individuelles], et il m'arrive de recevoir des e-mails d'une organisation qui ignore où je me trouve. Pourquoi n'est-il pas possible de faire savoir à la communauté humanitaire dans son ensemble que je suis disponible, plutôt que de me limiter aux quelques ONG avec lesquelles j'ai déjà travaillé ? C'est une ressource de perdue dans un environnement où elles font défaut. »

HumanSurge semble avoir visé juste : plus de 1 000 professionnels se sont inscrits depuis le lancement de la plateforme fin février, et cinq grandes organisations - dont Care International, Médecins sans frontières et Plan International - y ont souscrit, et versent une redevance mensuelle leur donnant accès à la plateforme. M. Peeters a dit être en phase finale de négociations avec plusieurs autres ONG, et espère compter 10 à 15 partenaires d'ici la fin de l'année.

Élargir le réservoir de main-d'œuvre

Malgré le caractère utile de ce service de mise en relation, d'aucuns s'interrogent sur la manière dont les agences s'y prendront pour recruter sur un site où les candidats s'enregistrent eux-mêmes, surtout si le temps leur est compté. 

« Il leur faudra encore évaluer les candidats, vérifier leurs références et leurs antécédents professionnels - sans compter les enquêtes de sécurité et les formations que nous attendons de nos partenaires », a dit Zola Dowell, responsable du déploiement rapide pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). (M. Peeters envisage la vérification entre pairs ou une collaboration avec des organisations comme RedR ou la Humanitarian Leadership Academy comme des solutions permettant à terme de combler cette lacune).

De plus, a dit M. O'Neil, « Pour de nombreuses organisations, le problème est qu'elles piochent déjà dans un même réservoir restreint ». De quelle manière [HumanSurge] peut-il l'étendre ? La tendance est à faire davantage appel à des professionnels qualifiés au niveau local ou régional - sont-ils capables de l'exploiter ? »

M. Peeters affirme que la plateforme est bien placée pour s'adapter au paysage changeant de l'intervention d'urgence, car elle permet d'inclure des intervenants locaux, des professionnels du secteur privé et des bénévoles désireux de devenir travailleurs humanitaires à plein temps.

« Où se trouvent les Pakistanais ayant participé aux efforts de réponse aux inondations et aux séismes au Pakistan ? Ayant déjà travaillé avec des ONG ? Ayant suivi une formation Sphere ? Toutes ces ONG reviennent en avion, installent leurs bureaux, recommencent de zéro - l'idée est de pouvoir trouver votre personnel local sur HumanSurge. »

Pour faciliter cette démarche, HumanSurge prévoit de proposer sa plateforme en français et en espagnol plus tard cette année, et envisage de la traduire dans d'autres langues. Le système se trouve toujours en phase de test, et M.Peeters a dit rechercher en priorité des utilisateurs et organisations disposés à contribuer à son amélioration.

Pour sa part, M. O'Neil n'est pas convaincu que HumanSurge soit la solution aux problèmes décrits dans le rapport de START Network. Mais il y a une chose dont il est sûr : les systèmes de déploiement rapide du futur devront changer.

iw/ha/bp/ag-xq/amz 

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Traduction publiée le 27 avril 2016

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