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Les réfugiés pris en étau entre barbelés et champs de mines

Hungarian soldiers constructing a fence at Hungary's border with Serbia where 155,000 migrants and refugees entered the country between January and September, 2015. András Hajdú/IRIN
Pour les milliers de migrants et de réfugiés affluant en Serbie dans l’espoir de pénétrer dans l’Union européenne via la Hongrie, les obstacles se font toujours plus nombreux : une clôture de barbelés et le risque de finir en prison d’un côté, des champs de mines et les montagnes de l’autre.

Lundi après-midi, la Hongrie a achevé la première phase de construction d’une clôture controversée longeant les 175 kilomètres de sa frontière sud avec la Serbie, au moment même de l’entrée en vigueur des dernières dispositions de sa législation anti-migrants.

« Si un individu se déclare réfugié suite au rejet de sa demande d’asile en Serbie, sa demande sera automatiquement rejetée en Hongrie, étant donné que la Serbie est un pays sûr », a dit le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, confirmant que la police commencerait à arrêter les personnes traversant illégalement la frontière dès mardi.

En l’espace de quelques heures, plus de 60 personnes avaient déjà été arrêtées et l’état d’urgence avait été déclaré dans les comtés du sud afin de conférer davantage de pouvoirs aux forces de sécurité. 

Les mesures de coercition de M. Orbán ferment la route des Balkans de l’Ouest, qui s’est imposée comme une alternative massivement empruntée cette année par les migrants et les réfugiés – essentiellement originaires de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak – cherchant à rejoindre l’Union européenne sans risquer la traversée de la Méditerranée depuis l’Afrique du Nord, encore plus périlleuse.

Plus de 155 000 personnes sont arrivées en Hongrie par sa frontière avec la Serbie cette année, d’après Frontex, l’agence de surveillance des frontières de l’UE.

Tandis que la position draconienne du gouvernement hongrois se précisait, de plus en plus de personnes ont tenté la course contre la montre. Plus de 52 000 migrants et réfugiés ont traversé la frontière rien qu’au mois d’août. Les 9 000 personnes qui l’ont traversée rien que pour la journée du lundi ont été conduites par les autorités à un poste-frontière officiel non loin du village de Röszke. 

Le porte-parole du gouvernement, Zoltán Kovács, a dit que la Hongrie remplissait « toutes ses obligations internationales et européennes, y compris en matière d’enregistrement ». L’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a pourtant observé que l’enregistrement des nouveaux arrivants n’avait plus lieu.

« Après avoir traversé la frontière, ces personnes arrivent au point de rassemblement de Röszke, où il n’y a pas de procédure officielle », a dit Ernö Simon, le porte-parole du HCR, à IRIN.

« Avant, ces personnes étaient conduites aux points d’enregistrement, mais ce n’est plus le cas. À la place, des bus les conduisent du point de rassemblement à la gare de Röszke. »

En prévision de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, la Hongrie semblait soucieuse de faire circuler autant de nouveaux arrivants que possible.

Márk Kékesi, le cofondateur de l’organisation de solidarité avec les migrants Migszol Szeged, a dit que lundi, des trains composés de 16 wagons étaient affrétés toutes les deux à trois heures pour conduire directement les migrants de Röszke à Hegyeshalom, à la frontière avec l’Autriche.

« En réalité, le gouvernement hongrois adopte une attitude analogue à celle de la Macédoine ou de la Serbie, en aidant les réfugiés à traverser le pays aussi rapidement que possible », a dit M. Kékesi à IRIN.

« Il est impossible de prendre les empreintes digitales de 5 000 à 7 000 personnes par jour, et le gouvernement hongrois y a renoncé depuis un moment déjà. »

L’Autriche a réagi en dépêchant des troupes à sa frontière avec la Hongrie, et l’Allemagne a mis en place des contrôles temporaires à sa frontière sud avec l’Autriche ce dimanche.

Des lois inapplicables ?

Malgré la dureté du discours de M. Orbán, dont la déclaration d’état d’urgence permet le déploiement de troupes à la frontière, beaucoup expriment des réserves quant à l’applicabilité des nouvelles lois criminalisant la détérioration de la propriété de l’État hongrois, y compris de la clôture frontalière.

La nouvelle législation prévoit trois ans de prison pour les migrants endommageant la clôture. Mais avec ses près de 18 000 détenus, le système carcéral hongrois excède déjà largement sa capacité de 13 356 places.

Les forces armées hongroises ont également atteint la limite de leurs capacités. Quelque 4 300 troupes ont été déployées pour achever la construction de la clôture la semaine dernière, soit plus de 80 pour cent des effectifs militaires que compte le pays.

Un officier de police anonyme du comté de Csongrád a déclaré à l’hebdomadaire Vasárnapi Hírek dimanche : « Il est idiot de criminaliser les réfugiés : les lois sont inutiles si elles sont inapplicables. On ne va pas mettre des milliers de réfugiés sous les verrous : je pense que la condamnation la plus sévère sera l’expulsion ».

Aucune alternative sûre

Pour les migrants ne souhaitant pas courir le risque de finir en prison ou d’être expulsés vers la Serbie, les alternatives ne sont guère meilleures. L’itinéraire le plus évident consisterait à entrer en Hongrie via la Croatie, par sa frontière ouest encore dépourvue de clôture, ou directement en Slovénie. Mais la Slovénie possède un relief montagneux et la frontière croate avec la Serbie est parsemée de milliers de champs de mines hérités de la guerre d’indépendance croate, au début des années 1990. Plus de 500 personnes ont été tuées par des mines terrestres ces 20 dernières années en Croatie, qui prévoit de déminer l’intégralité de ses champs de mines présumés d’ici 2019.

Lundi soir, les réfugiés syriens discutaient des dangers de la route croate sur le groupe Facebook « Les stations des migrants forcés », fort de 113 000 membres. Un homme, qui disait s’apprêter à mener un groupe de réfugiés à travers la Croatie, avertissait : « à la frontière avec la Serbie, il reste encore des champs de mines hérités de la guerre civile ».

Pour l’heure, la clôture se résume à une boucle de fil barbelé, et bon nombre des centaines de migrants attendant à l’un des centres d’accueil temporaire de Kanzija, dans le nord de la Serbie, ont affirmé que cela ne changerait pas leurs plans.

« Je traversai peut-être ce soir, ou peut-être demain », a dit Hussein, un homme âgé originaire de Bagdad.

Géza, un agent de la police aux frontières en poste à Röszke, a dit à IRIN qu’il s’attendait à ce que l’afflux de migrants continue, en dépit des nouvelles mesures. « La clôture ne fera pas la moindre différence : les migrants continueront de venir ici parce que la Slovénie est trop montagneuse et que la Croatie est encore truffée de champs de mines hérités de la guerre de Yougoslavie. »

« Les réfugiés continueront de vouloir à tout prix traverser la Hongrie vers d’autres pays, si bien que nous n’aurons pas d’autre choix que d’avoir recours à la force ; et si ce n’est pas nous, ce sera l’armée. Il y aura des affrontements, c’est inévitable », a-t-il dit.

dn/ks/ag-xq/amz 
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