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Bon nombre de réfugiés ont des difficultés à obtenir le regroupement familial en Europe

Mohad, a Somali refugee, reunites with his wife and children at Warsaw airport in Poland after five years apart R.Kostrzynski/IRIN
Imaginez que vous deviez fuir votre pays et que, pour une raison quelconque, vous ne pouviez pas emmener votre famille avec vous. Après un long et périlleux périple, vous arrivez enfin dans un pays sûr, où vous obtenez l'asile. Quelle sera votre prochaine priorité ? Pour la grande majorité d'entre nous, la priorité sera de s'assurer que la famille que nous avons laissée soit réunie et en sécurité, aussi vite que possible.

Il en va de même pour la majorité des réfugiés qui arrivent sur le territoire européen. D'après la législation européenne, les réfugiés ont le droit d'être réunis avec leurs parents proches – en général, leur conjoint(e) et leurs enfants âgés de moins de 18 ans – mais exercer ce droit est une autre affaire. Face à l'augmentation du nombre de réfugiés qui arrivent en Europe, les États membres rendent plus difficile le regroupement familial.

D'après Anne Bathily, spécialiste principale des politiques au Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (CERE), un groupe de coordination des organisations d'aide aux réfugiés de toute l'Europe, cela n'est pas une coïncidence. Elle souligne que le regroupement familial est l'un des principaux canaux d'immigration légale pour les réfugiés qui souhaitent venir en Europe et sous-entend que les États sont désireux de restreindre ces canaux sur leur territoire.

Les membres du CERE expliquent que la tendance est au resserrement des critères d'éligibilité, à la mise en place d'exigences plus strictes en matière de documentation justificative et à la restriction de l'accès à l'aide juridique financée par l’État pour accompagner les réfugiés dans un processus d'application de plus en plus complexe.

Mme Bathily a dit à IRIN que les législations nationales sur le regroupement familial changent si souvent que les avocats et les ONG [organisation non gouvernementale] qui fournissent des conseils juridiques expliquent avoir des difficultés à comprendre les procédures, sans parler des réfugiés qui ne parlent pas forcément la langue.

Des délais irréalistes

Au terme de la directive adoptée par l'UE en 2003 sur le regroupement familial, les réfugiés sont exemptés des obligations les plus difficiles à remplir, qui sont faites aux autres catégories de migrants lors de la demande, comme avoir un revenu suffisant et disposer d'un hébergement. Cependant, les réfugiés bénéficient uniquement des exemptions si leur demande est déposée est introduite dans un délai déterminé suivant l'octroi du statut de réfugié. Dans certains États membres, ils ne disposent que de trois mois pour introduire une demande ; les personnes qui bénéficient de la protection subsidiaire et qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié à part entière ne jouissent pas de ces exemptions. Et ce, en dépit du fait que dans les pays comme la Hongrie, la protection subsidiaire est la principale forme de protection internationale attribuée.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, HCR, ainsi que les groupes de défense des réfugiés ont expliqué que le délai de trois mois n'était pas réaliste pour le dépôt d'une demande de regroupement familial. Il faut parfois plusieurs mois pour retrouver les membres de la famille qui ont disparu et plusieurs mois encore pour trouver les documents nécessaires à l'introduction d'un dossier, comme les certificats de naissance et de mariage.

Une définition restrictive de la famille

La directive de l'Union européenne exige seulement des États membres qu'ils autorisent le regroupement de la famille nucléaire – les conjoints, les enfants mineurs et les parents de mineurs non accompagnés. La majorité des États membres s'en tiennent à cette définition restrictive qui, d'après Mme Bathily, ne prend pas en compte le fait que la migration forcée peut changer la structure d'une famille et la dépendance vis-à-vis des membres éloignés de la famille.

Vanessa Cowan, qui dirige le programme d'aide au regroupement familial pour la Croix-Rouge britannique, a noté que les orphelins sont souvent élevés par des oncles et des tantes, mais qu'ils ne sont pas éligibles au regroupement familial au Royaume-Uni, sauf s'ils ont été adoptés officiellement. Les parents âgés et les enfants de plus de 18 ans ne bénéficient pas non plus de la procédure de regroupement. Il peut donc arriver que des parents partent sans leur enfant qui vient d'avoir 18 ans, alors qu'il dépend encore de ses parents.

De longues attentes

D'après un rapport publié conjointement par le CERE et le bureau de la Croix-Rouge européenne en novembre 2014, les procédures de regroupement familial des réfugiés « sont extrêmement longues et prennent parfois plusieurs années ». Par exemple, un réfugié installé en France a dû attendre quatre ans avant de savoir s'il pouvait faire venir sa femme et leurs trois enfants.

Les réfugiés, qui ont déjà fait un périple épuisant et sont passés par de longues procédures de demande d'asile, sont souvent mal préparés au délai nécessaire pour la réunification avec leur famille, a dit Mme Cowan. « Ils ont du mal à supporter l'idée que leur famille se trouve dans une situation de vulnérabilité dans un autre pays – elle est peut-être en danger, les enfants ne vont plus à l'école, ils ne mangent pas à leur faim ».

Le fait d'être séparé de sa famille affecte aussi la capacité d'un réfugié à s'intégrer dans son pays d'accueil, d'après Mme Bathily. « Les conséquences de la séparation sont terribles. Les réfugiés ne peuvent pas vraiment s'installer et s'investir dans leur nouveau pays quand leur première inquiétude est de savoir ce qu'il passe là-bas ».

Des périples dangereux

Pour les réfugiés, l'obstacle le plus important au regroupement familial est peut-être le fait que la demande doit être déposée par des membres de leur famille dans leur pays d'origine ou dans l'ambassade la plus proche. En général, le « parrain » - le réfugié déjà installé sur le territoire de l'UE – entame la procédure avec l'aide d'un avocat ou d'une ONG, s'il a de la chance, avant d'envoyer le dossier à un membre de la famille qui doit le remplir et le présenter à l'ambassade lors de son entretien.

« Il n'est pas rare que les familles quittent leur logement pour se rendre dans une ambassade et qu'elles subissent des violences en route »
Dans les pays affectés par un conflit, comme la Syrie, les ambassades sont fermées et les membres de la famille doivent se rendre dans un pays voisin – un voyage coûteux et dangereux – et prendre contact avec une ambassade. Ils devront parfois passer plusieurs mois sur place dans l'attente d'une réponse.
  
« D'après les dossiers que nous avons étudiés, il n'est pas rare que les familles quittent leur logement pour se rendre dans une ambassade et qu'elles subissent des violences en route », a dit Mme Cowan.

Le rapport du CERE et de la Croix-Rouge donne l'exemple d'une Syrienne et de son enfant qui ont essayé de se rendre à l'ambassade de Belgique à Ankara pour déposer une demande et ont été arrêtés à la frontière turque. Le frère et le beau-frère de la femme, qui les accompagnaient, ont été tués – le rapport ne dit pas comment – et la femme et l'enfant ont été placés en détention pendant plusieurs jours avant de devoir repartir en Syrie.
  
Le dernier obstacle est souvent le coût. Si et quand le regroupement familial est octroyé, les coûts entraînés par la venue des membres de la famille en Europe en avion sont souvent trop lourds. cLa Croix-Rouge britannique fournit une aide au déplacement pour faciliter le regroupement des familles de réfugiés, mais cette aide n'est pas proposée dans tous les États membres.

« Parfois, il ne se fait pas parce que les gens n'ont pas suffisamment d'argent pour couvrir les frais de déplacement », a expliqué Mme Bathily.

Les chiffres du nombre de réfugiés qui ont obtenu le regroupement familial ne sont pas disponibles, car leurs demandes sont regroupées avec celles des autres catégories de migrants, mais le HCR a noté que les chiffres sont peu élevés et représentent un très faible pourcentage de la migration vers l'Europe.
   
Le HCR a demandé la mise en place de procédures de regroupement familial plus rapides et plus efficaces pour les réfugiés en Europe, et en particulier pour les Syriens, mais rien ne laisse entrevoir que les États membres sont prêts à simplifier la procédure.  

« Quand vous êtes déracinés, votre famille devient votre pays ; elle représente tout ce que vous avez laissé derrière vous », a expliqué Mme Bathily.

« Mais c'est là que l'on voit apparaître les tensions entre les intérêts des États et les intérêts individuels. [Les États] disent que le fait d'être généreux en matière de regroupement familial est un facteur d'attraction ».

ks/am-mg/amz 
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