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Un rapport sur les droits de l’homme en Érythrée conduit à reconsidérer la protection des migrants

Two young Eritreans wait to board a ferry at Samos Island, Greece. Growing numbers of Eritreans are seeking asylum in Europe. A. D'Amato/UNHCR
Plusieurs pays ont récemment durci leur position face aux demandes d’asiles déposées par des Érythréens après la publication d’un rapport danois insinuant que la plupart des migrants venant d’Érythrée auraient quitté leur pays pour des raisons économiques. Les résultats d’une enquête sur les droits de l’homme en Érythrée menée pendant un an par les Nations Unies révèlent a contrario que cela pourrait être une grosse erreur.

Les Érythréens sont les deuxièmes plus nombreux parmi les demandeurs d’asile qui risquent leur vie pour traverser la Méditerranée, après les Syriens. Environ 11 000 d’entre eux sont arrivés en Italie cette année. En 2014, ils étaient près de 37 000 à demander l’asile dans l’Union européenne.

La grande majorité (environ 90 pour cent) obtient une protection internationale, mais ces derniers mois, plusieurs États membres, dont le Royaume-Uni, le Danemark et la Norvège, ont changé leur position au vu du rapport danois, pourtant controversé.

« Les Érythréens fuient de graves violations des droits de l’homme perpétrées dans leur pays et ont besoin d’une protection internationale. »
La Commission d’enquête des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Érythrée a en revanche constaté les abus d’un État totalitaire responsable de « violations des droits de l’homme systématiques, généralisées et flagrantes », notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, des mises en détention arbitraires, des disparitions forcées et un système de service militaire équivalent à des travaux forcés.

« Face à une situation qui semble aussi désespérée et qu’ils n’ont pas l’impression de pouvoir changer, des centaines de milliers d’Érythréens fuient leur pays », peut-on lire dans le rapport qui se fonde sur des entretiens menés auprès de 550 Érythréens réfugiés dans huit pays et sur 160 témoignages écrits. 

« Attribuer leur décision de partir à de seules raisons économiques revient à ignorer la terrible situation des droits de l’homme en Érythrée et la véritable souffrance de sa population. Les Érythréens fuient de graves violations des droits de l’homme perpétrées dans leur pays et ont besoin d’une protection internationale. » 

L’Érythrée a déclaré que les résultats de la commission d’enquête étaient « totalement infondés et sans la moindre valeur ». 

Mais les défenseurs des droits de l’homme ont salué ces résultats et les recommandations faites par la commission à la communauté internationale pour qu’elle continue de protéger les ressortissants érythréens.

« Je pense que c’est une avancée très importante pour la protection des réfugiés érythréens », a dit à IRIN Daniel Mekonnen, avocat spécialisé dans les droits de l’homme et ancien juge érythréen qui vit maintenant en Suisse. « Je ne pense pas que les pays européens refuseront facilement d’accorder leur protection aux Érythréens maintenant que les Nations Unies leur recommandent explicitement de le faire. »

« Ce ne sont pas des migrants économiques comme cherchent à le faire croire certains pays européens », a-t-il dit à IRIN. « Ils fuient les persécutions et tentent d’échapper à l’une des dictatures les plus impitoyables du monde. »

En novembre 2014, le Service danois de l’immigration a publié un rapport sur l’Érythrée visant à servir de guide pour traiter les demandes de statut de réfugié. Le rapport, qualifié par Human Rights Watch (HRW) de « très imparfait », citait des diplomates occidentaux anonymes et une agence des Nations Unies dont le nom n’est pas mentionné selon lesquels les Érythréens quitteraient leur pays pour des raisons économiques plutôt que politiques et qu’il n’y aurait « pas de climat général de peur. » 

Leslie Lefkow, directrice adjointe de HRW, estime que ce rapport est « une initiative politique visant à juguler l’immigration » plutôt qu’une évaluation honnête de la situation des droits de l’homme en Érythrée.  

Le Service danois de l’immigration est ensuite revenu sur certains éléments du rapport et deux responsables ont démissionné à cause de son contenu. Mais cela n’a pas empêché le ministère de l’Intérieur britannique de le citer à de nombreuses reprises dans son dernier document d’orientation relatif aux migrants en provenance d’Érythrée publié en mars.  


Alors que de nombreux jeunes érythréens désignent la conscription à durée indéterminée comme le principal facteur qui les a décidés à fuir le pays, le ministère de l’Intérieur britannique cite le ministre des Affaires étrangères érythréen, qui a affirmé que le service militaire ne dépassait plus les 18 mois.

Les orientations britanniques sont également basées sur les affirmations du Service danois de l’immigration selon lesquelles ceux qui s’évadent du service militaire ou désertent ne seraient pas gravement punis et ceux qui ont fuient le pays clandestinement ne risqueraient rien à leur retour à condition qu’ils signent « une lettre d’excuse » à l’ambassade d’Érythrée et payent une taxe pour avoir vécu à l’étranger. 

Depuis que le Royaume-Uni a publié ce nouveau document d’orientation, le taux de refus des demandes d’asile déposées par des Érythréens a presque doublé, passant de 13 pour cent en 2014 à 23 pour cent au premier trimestre 2015, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur.

Le rapport des Nations Unies réfute les affirmations selon lesquelles les conditions du service militaire auraient changé : « Les conscrits finissent par servir dans l’armée pendant une période indéterminée, souvent des années, dans des conditions rudes et inhumaines ». Par ailleurs, ceux qui ont quitté le territoire clandestinement pour échapper au service militaire et ont été renvoyés dans leur pays « ont été arrêtés, placés en détention, maltraités et torturés. »

M. Mekonnen a participé à un groupe de travail qui a collecté 80 témoignages écrits de la diaspora érythréenne pour les besoins de l’enquête. Il a confirmé qu’il recevait encore des signalements de violations des droits de l’homme.

« Ce n’est pas vrai que les choses ont changé », a-t-il dit à IRIN. « Le gouvernement dit depuis 2001 [qu’il va commencer à limiter le service militaire]. Pourquoi devrait-on maintenant le prendre au sérieux ? »

Un porte-parole du ministère de l’Intérieur britannique interrogé par IRIN sur son intention de revoir ses orientations relatives à l’Érythrée a répondu : « Nous allons étudier avec attention les résultats du rapport des Nations Unies ».

ks/ag-ld/amz 

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