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Les États-Unis manquent à leur devoir vis-à-vis des réfugiés syriens

Syrian Refugees, Um Abdullah and her daugther Maysaa, 13, pack a suitcase in preparation for their journey to Gemany, at their temporary home in Barja, Lebanon in April 2014. The family will travel to Germany under the resettlement programme. Andrew McConnell/UNHCR
Bien qu’il s’agisse du premier pays de réinstallation au monde, les États-Unis n’ont pour l’heure ouvert leurs frontières qu’à 1 000 Syriens en quête d’un endroit sûr où fuir leur pays déchiré par la guerre.

Les groupes de défense des droits de l’homme, les membres du Congrès et les urbanistes font partie des personnes qui tentent de persuader Barack Obama d’accepter davantage de Syriens sur le territoire. Mais des préoccupations d’ordre sécuritaire, le sentiment d’opposition à l’immigration et les difficultés bureaucratiques font obstacle.

Il a fallu longtemps à la communauté internationale pour réaliser que les 12 millions de Syriens déplacés par cinq ans de guerre civile – aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur pays – n’étaient pas prêts de rentrer chez eux. Les pays voisins (la Jordanie, le Liban et la Turquie) ont absorbé près de 4 millions de Syriens à eux trois. Les autres pays ont été plus lents à réagir, s’agissant notamment de la prise en charge des quelque 88 000 réfugiés syriens que l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a désignés à des fins de réinstallation. À ce jour, 28 pays ont accepté d’accueillir 62 000 d’entre eux – dont près de la moitié pour l’Allemagne.

Les États-Unis n’ont pas pris d’engagement chiffré, mais Larry Yungk, l’administrateur en chef chargé de la réinstallation pour le HCR à Washington, a dit qu’il fallait s’attendre à ce que le pays n’accepte que 35 pour cent des 13 000 dossiers individuels soumis par l’agence. Du fait de la procédure proactive de contrôle de sécurité des États-Unis, qui prévoit des vérifications supplémentaires pour les Syriens, il est probable qu’au moins deux autres années s’écoulent avant que les réfugiés ne foulent le sol américain.

« C’est tout simplement trop peu et trop lent pour un pays qui devrait être l’un des chefs de file à l’échelle internationale », a dit Eleanor Acer, de chez Human Rights First - une organisation qui milite pour que les États-Unis accueillent 65 000 réfugiés syriens d’ici fin 2016.

Ces dernières années, les États-Unis ont accepté d’accueillir un maximum de 70 000 réfugiés par an à des fins de réinstallation, plus de la moitié du total des réfugiés réinstallés dans le monde. Mais les militants estiment que la multiplication du nombre de réfugiés – 16,7 millions selon les derniers chiffres du HCR – appelle des mesures exceptionnelles de la part des vastes et riches pays comme les États-Unis.

Récemment, 14 sénateurs ont exhorté Barack Obama à revoir radicalement à la hausse le nombre de réfugiés accueillis à des fins de réinstallation, en arguant que les États-Unis ont l’« obligation morale » de venir en aide aux pays voisins de la Syrie, qui accueillent déjà plusieurs millions de réfugiés.

Certains dirigeants républicains rétorquent que l’arrivée de davantage de Syriens pourrait constituer un danger pour la sécurité.

Problèmes de sécurité

Les nombreux contrôles de sécurité imposés par les États-Unis écartent la quasi-totalité des candidats à l’exception des plus vulnérables – essentiellement des femmes et des enfants victimes de torture. Mme Acer a dit que « les innombrables motifs d’irrecevabilité » prévus par les mesures de sécurité excluent un grand nombre de personnes qui ne représentent pas le moindre risque pour les États-Unis. « Leur interprétation est si large que les résultats sont absurdes », a-t-elle dit.

Les motifs d’irrecevabilité liés au terrorisme écartent tout individu ayant fourni « un appui matériel » à quiconque étant associé à une organisation classée terroriste par les États-Unis. Dans un pays miné par une guerre civile dont plusieurs organisations sont les protagonistes, cet appui – qui peut être aussi symbolique que le fait de vendre un sandwich à une personne associée à un groupe terroriste ou payer des combattants pour passer un poste de contrôle – est difficilement évitable. Les fonctionnaires prennent désormais cet aspect en compte et réexaminent de nombreux dossiers rejetés en première instance en vertu de cette disposition, mais cette mesure n’aboutira certainement qu’à l’admission de quelques centaines de Syriens supplémentaires, loin des dizaines de milliers que réclament les militants.

« Les États-Unis entendent jouer un rôle clé, mais nous devons prendre garde à accepter des Syriens qui ne nous veulent pas de mal »
Kelly Gauger, la directrice adjointe du Bureau des admissions du département d’État américain, a dit à IRIN que 500 réfugiés syriens supplémentaires étaient attendus d’ici septembre. Elle a toutefois reconnu que la lenteur du processus de filtrage et le fait que le HCR n’ait commencé à soumettre des dossiers de candidats syriens que l’année dernière signifie que « nous [les États-Unis] n’en [recevraient] pas un nombre significatif avant deux ans ».

« Les États-Unis entendent jouer un rôle clé, mais nous devons prendre garde à accepter des Syriens qui ne nous veulent pas de mal », a-t-elle ajouté.

Ces huit dernières années, un programme spécial a permis la réinstallation de 120 000 Irakiens en mesure de prouver que leur vie était menacée parce qu’ils collaboraient avec des organisations américaines.

Daryl Grisgraber, porte-parole principale pour Refugees International, une ONG basée à Washington, a suggéré que « les États-Unis ne [ressentaient] pas la même obligation morale envers les Syriens ».

« L’aspect humanitaire a été éclipsé par l’aspect sécuritaire », a-t-elle dit à IRIN, en ajoutant qu’une campagne publique de sensibilisation était nécessaire « pour contrer l’idée que les réfugiés représentent un risque sécuritaire ».

Michael Doyle, qui exerce comme professeur à la faculté de droit de l’université de Columbia, a souligné que les réfugiés cherchent justement à échapper au profil de personnes que les États-Unis craignent de voir pénétrer leur territoire. « Mais le spectre de l’État islamique, les décapitations et le ciblage rhétorique des citoyens américains font qu’il s’agit d’un problème très difficile à éluder pour les services d’immigration ».

Être accusé d’avoir ouvert la porte à l’infiltration terroriste serait une catastrophe pour n’importe quel président, a-t-il ajouté.

Soutien des villes

En dépit de la réticence à accueillir davantage de Syriens au niveau fédéral, on constate un soutien grandissant au niveau des villes, notamment dans les zones urbaines ayant désespérément besoin des compétences et de l’énergie entrepreneuriale associées aux immigrants. Rick Snyder, le gouverneur républicain du Michigan, a appelé de ses vœux l’arrivée de 50 000 immigrants l’année dernière pour relancer l’économie chancelante de Détroit.

Dans un article paru dans le New York Times l’année dernière, deux universitaires exposaient qu’il est « tout à fait faisable » de réinstaller des réfugiés syriens à Détroit, où vit déjà une importante communauté arabe. L’arrivée de réfugiés originaires de Bosnie et de Somalie, par exemple, a déjà permis de redynamiser des quartiers en difficulté dans d’autres villes. 

Fadi Khankan, de l’Organisation des expatriés syriens (Syrian Expatriates Organization, SEO) basée à Washington, a exprimé sa déception face au faible nombre de réinstallations : « les Syriens ont des compétences très utiles. Beaucoup sont très qualifiés. Où qu’ils aillent, ils s’établiront avec beaucoup de succès ».

Il a également suggéré de faire venir aux États-Unis une partie des étudiants syriens croupissant actuellement dans des camps de réfugiés en leur accordant une bourse d’études.

Mme Gauger a qualifié la proposition de Détroit d’« intéressante », en ajoutant qu’il fallait qu’il y ait à la fois de l’emploi et des logements bon marché pour que ça fonctionne. « Le programme de réinstallation des États-Unis est construit sur un modèle d’autonomie rapide. Contrairement à d’autres pays où les réfugiés bénéficient d’un soutien durant de nombreuses années, aux États-Unis ils doivent se mettre au travail rapidement. »

M. Yungk a également souligné que « la réinstallation a toujours constitué une solution pour un très faible pourcentage de la population [réfugiée] seulement ». À l’échelle mondiale, moins d’un pour cent des réfugiés sont réinstallés.

pg/ks/ag-xq/amz 
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