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Le conflit s’aggrave au Darfour

27 January 2015. Um Baru: Thousands of people, mostly women and children, take refuge at a safe zone adjacent to UNAMID's base in Um Baru, North Darfur.The newly displaced people fled from different villages which had been reportedly attacked. UNAMID peac Hamid Abdulsalam/UNAMID
Some 2.5 million people are internally displaced in Darfur
Les violences redoublent au Darfour, atteignant des niveaux inégalés depuis dix ans. Rien que cette année, plus de 150 000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer. Déjà rudement éprouvés, les habitants de région sont aujourd’hui frappés de plein fouet par une épidémie de rougeole.

C’est un conflit auquel la communauté internationale semble ne pas avoir de réponse, et qui risque d’être éclipsé par d’autres crises en Afrique de l’Est et au-delà. Les enjeux humanitaires et sécuritaires sont nombreux.

En voici les raisons :

Comment en est-on arrivé là ?

La guerre du Darfour a commencé en 2003, avec le soulèvement de tribus se plaignant d’être marginalisées – tant politiquement qu’économiquement - par le gouvernement majoritairement arabe du président Omar al-Bashir. La campagne anti-insurrectionnelle de Khartoum s’est largement appuyée sur des milices arabes recrutées localement, qui ont été accusées de l’extermination de masse de civils dans des régions non arabes soupçonnées de soutenir les rebelles. D’après les Nations Unies, le conflit a fait pas moins de 300 000 victimes, et 2,5 millions de déplacés.

Le conflit n’a cessé de gagner en complexité avec les années : les mouvements rebelles ont éclaté en de nombreuses factions rivales – pacifiquement dans certains cas, temporairement du moins ; et les groupes arabes se sont retourné les uns contre les autres et contre le gouvernement central, en des affrontements ethniques souvent liés aux droits fonciers et au pouvoir politique.

Après des années marquées par l’échec des initiatives internationales en faveur de la paix et la mise en examen de Bashir par la Cour pénale internationale (CPI) - pour génocide notamment, le conflit s’intensifie depuis 2013 avec le lancement à la saison sèche d’offensives gouvernementales contre les rebelles au Darfour et dans la région voisine de Kordofan.

Flambée de violence

Cette année, les troupes du gouvernement – y compris d’anciennes milices, aujourd’hui rebaptisées « Forces d’appui rapide » - ont attaqué de nombreux établissements humains dans des bastions rebelles supposés, notamment dans les montagnes de Jebel Marra.

Nombre de médias ont récemment fait état de très nombreux civils ayant trouvé refuge dans des grottes dans la montagne, et témoignant d’un bombardement aérien ayant frappé à proximité du village de Golo en janvier, dont le bilan reste inconnu.

En mai, le gouvernement a fait défiler des camions croulant sous les armes, qu’il prétend avoir confisquées aux rebelles du Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) au terme d’une rude bataille dans la région de Tullus, au Darfour du Sud, le 26 avril. De violents affrontements tribaux ont également eu lieu. 

Plus récemment, un conflit a éclaté le 11 mai entre les membres des tribus Ma’aliya et Reizegat, non loin de la ville d’Abu Karinka (États du Darfour-Oriental), au sujet d’un litige foncier de longue date. Le conflit aurait fait plusieurs centaines de morts et de blessés, et des milliers de déplacés. Les deux tribus arabes se sont affrontées à diverses reprises ces dernières années, en dépit des efforts de médiation déployés. L’an dernier, des centaines de personnes ont été tuées et des milliers d’autres déplacées en conséquence des affrontements entre ces deux groupes dans la même région.

Cette année, une série d’attaques mortelles a fomenté les tensions entre tribus Berti et Zayadia au Darfour du Nord, et entraîné le déplacement de milliers d’autres personnes. Des dirigeants de mouvements estudiantins berti soupçonneraient Musa Hilal, le chef d’une importante milice arabe, d’avoir semé le trouble dans la province. Hilal est un rival politique d’Omar Mohamed Yousif, le gouverneur berti du Darfour du Nord, qui est accusé d’avoir constitué sa propre milice ethnique.

Déplacement

Au total, près de 430 000 personnes ont été déplacées au Darfour depuis le début de l’année 2014, portant le total dans la région à 2,5 millions de déplacés dont environ 1,5 million d’enfants, selon les Nations Unies. On compte près de 3,1 millions de personnes déplacées dans tout le Soudan.

Pour beaucoup de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) au Darfour, l’espoir de retrouver leur foyer est très mince.

Après s’être rendu au Darfour en mai, l'expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan, Aristide Nononsi, a déclaré que les déplacés vivaient dans la peur des groupes armés et de la criminalité. 

Bien que la plupart des PDIP désirent retourner chez elles, « bon nombre des interlocuteurs que j’ai rencontrés, en particulier dans les États du Darfour du Nord et du Darfour du Sud, restent soucieux quant à la situation sécuritaire dans leur terre d’origine […] et au retour de la paix durable dans la région », a dit M. Nononsi dans un communiqué.

Les affrontements ayant éclaté du côté d’Abu Karinka auraient entraîné la destruction par le feu de plus de 650 maisons, et le déplacement d’environ 24 000 familles. Plusieurs centaines d’autres familles ont fui avec leur bétail dans l’État voisin du Kordofan du Nord avant le déclenchement des violences, rapporte l’organe de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

« Les victimes ont besoin d’eau, de nourriture, d’un abri et de médicaments », a dit Abdu Abdelmahmound, le commissaire chargé de l’aide humanitaire au Darfour-Oriental, le 15 mai.

D’après le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la ville de Mellit a accueilli à elle seule plus de 9 000 nouveaux PDIP à la suite des affrontements entre Berti et Zayadia. L’agence a également indiqué qu’elle venait en aide aux nouveaux PDIP de sept autres villes du Darfour du Nord.

Assistance

Des personnes déplacées se trouvant au Darfour, environ 1,5 million vivent dans des camps ou des « établissements comparables à des camps », selon l’OCHA.

« La fourniture de services de base sur ces sites est globalement adéquate par rapport au reste du Darfour », a dit Damien Rance, le porte-parole de l’OCHA à Khartoum, à IRIN. « La qualité de la fourniture des services de base s’est toutefois détériorée avec les années, étant donné que le nombre de personnes déplacées ne cesse de croître, qu’il reste de moins en moins d’ONG sur place pour assurer ces services, que les fonds alloués à ces services ont diminué, et que l’intérêt politique de la communauté internationale s’étiole. »

Accès

L’accès aux populations vulnérables est un problème auquel les agences d’aide humanitaire sont confrontées de longue date au Darfour, en particulier dans les zones de conflit actif.

Après les violences d’Abu Karinka, par exemple, l’OCHA a dit que ses partenaires humanitaires se tenaient prêts à distribuer de la nourriture, des abris d’urgence et des articles ménagers. Mais les autorités ont refusé que la MINUAD – la mission de maintien de la paix conjointe de l’Union africaine et des Nations Unies – se rende sur place pour y conduire une évaluation.

« Environ 430 000 personnes ont été déplacées au Darfour depuis le début de l’année 2014 »
« Le gouvernement a dit qu’à ce stade, il fournissait toute l’aide requise », a dit M. Rance de l’OCHA. « La communauté humanitaire internationale veut aider, en est capable et se tient prête. »

Plus généralement, l’OCHA a dit que les restrictions de l’accès et l’insécurité ont empêché l’agence et ses partenaires de vérifier la situation de 92 000 individus sur l’ensemble des personnes contraintes au déplacement par les affrontements récents, notamment dans les montagnes de Jebel Marra.

Sécurité alimentaire

Les milices alliées au gouvernement ont longtemps été accusées de pratiquer la politique de la terre brûlée, détruisant les maisons et les moyens de subsistance sur leur passage dans les bastions rebelles, et contribuant de ce fait aux niveaux élevés de malnutrition.

D’après l’UNICEF, environ deux millions d’enfants soudanais âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique ; 550 000 d’entre eux sont atteints de malnutrition aiguë sévère et risquent de mourir.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a repris le travail au Soudan du Sud en septembre après une interruption de huit mois, a lancé un nouvel appel de fonds auprès des donateurs pour étendre ses activités au Darfour.

« Le conflit actuel fait encore peser un lourd tribut sur les civils », a dit Éric Marclay, le responsable des opérations du CICR pour l’Afrique de l’Est. « Nous souhaitons venir directement en aide à la fois aux déplacés et aux communautés d’accueil […] Des graines et des outils sont nécessaires pour préparer la prochaine saison des plantations. Les fonds supplémentaires financeront également les soins médicaux et la construction d’installations d’approvisionnement en d’eau et d’assainissement. »

Santé

D’après l’UNICEF, les déplacements de population fréquents, les taux élevés de malnutrition et les très faibles taux de vaccination ont contribué à provoquer une flambée de rougeole en avril. La maladie a depuis atteint des niveaux épidémiques dans 14 États, incitant l’UNICEF à lancer une campagne nationale de vaccination. Sur les 35 décès enregistrés jusqu’à présent, 25 sont survenus au Darfour.

Le représentant pays de l’UNICEF, Geert Cappelaere, a dit qu’environ 50 000 enfants étaient privés d’aide humanitaire, y compris des vaccins essentiels, dans la région de Jebel Marra.

« En raison du conflit, nous n’avons pas eu accès à la population de certaines régions depuis quatre ans », a dit M. Cappelaere à Voice of America. « Du coup, nous sommes face à une foule d’enfants non vaccinés, susceptibles d’être l’une des causes de l’épidémie de rougeole à laquelle nous assistons aujourd’hui. »

Financements et capacité

Le plan de réponse 2015 des Nations Unies pour le Soudan (d’un montant de 1 milliard de dollars US) n’est financé qu’à hauteur de 28 pour cent, laissant de sérieuses lacunes dans certains domaines comme la sécurité et le soutien aux moyens de subsistance. L’UNICEF a indiqué que son appel de fonds 2015 n’était financé qu’à hauteur de 14 pour cent.

Les agences d’aide humanitaire sont également confrontées à une capacité opérationnelle considérablement diminuée depuis que le gouvernement a chassé plus d’une douzaine de groupes d’aide internationaux en 2009.

D’après M. Rance de l’OCHA, le nombre de travailleurs humanitaires au Darfour a chuté de 17 700 avant les expulsions à 5 540 seulement en novembre l’année dernière.

« Ce déclin du nombre de travailleurs qualifiés a bien sûr conduit à un important déficit des capacités, en particulier si l’on tient compte du fait que l’on a enregistré plus de nouveaux déplacements en 2014 que n’importe quelle autre année depuis 2004. En conséquence, la capacité à fournir des niveaux adaptés de services humanitaires de base a été affectée », a dit M. Rance.

Perspectives

Les perspectives d’une fin du conflit semblent faibles.

Bien que le président Bashir - qui a été réélu pour cinq ans en avril - ait annoncé le lancement d’un dialogue national après son investiture, on ignore encore quels membres de l’opposition et des mouvements rebelles y participeront.

Les analystes et les opposants jugent improbable que Bashir change sa tactique consistant à « diviser pour mieux régner », qui a conduit à la division de la région en cinq provinces.

« En détruisant le tissu social de la région occidentale, cette tactique a conduit aux violents affrontements entre tribus, en particulier entre tribus arabes », a dit Youssef Hussein du parti communiste soudanais. « Le gouvernement tient maintenant le Darfour en otage. »

Pendant ce temps, la mission de maintien de la paix de la MINUAD a été accusée de timidité et de couvrir certains abus commis par les forces gouvernementales soudanaises. Khartoum la presse de revoir ses activités à la baisse ou de se retirer tout à fait.

Les allégations d’abus n’ont toujours pas pu être vérifiées.

« Notre inquiétude porte aussi bien sur les abus liés au conflit - tels que l’attaque de civils par les forces gouvernementales ou la perpétration de violences sexuelles par les forces d’appui rapide – que sur le bombardement aérien inconsidéré de villages ou encore l’absence flagrante de transparence », a dit Jehanne Henry de Human Rights Watch.

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