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Ebola - Peut-on mettre l'Afrique de l'Ouest en quarantaine ?

JFK Airport Anthony Fine/Flickr
Aux États-Unis, depuis le décès du Libérien Thomas Eric Duncan au Texas le 8 octobre et l'infection par Ebola de deux infirmières américaines qui s'étaient occupées du malade, les parlementaires sont de plus en plus nombreux à demander une interdiction des vols en provenance des pays les plus touchés par le virus, à savoir la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone.

Le 16 octobre, le député républicain de Floride Dennis Ross a révélé un avant-projet de loi qui interdirait les vols en provenance de pays touchés par une épidémie du virus Ebola. « Ebola a un taux de mortalité de 50 pour cent. Comment peut-on ignorer ce fait et mettre en jeu la vie des Américains en permettant à des gens de voyager vers et depuis des pays où le virus se propage rapidement ? » a demandé le membre du Congrès.

La loi que propose M. Ross, appelée Contain Ebola and Stop the Epidemic (CEASE) Act, est avare en détails. Elle vise à « interdire tout vol commercial provenant d'un pays où la maladie à virus Ebola a atteint des proportions épidémiques, tel que déterminé par le directeur des Centers for Disease Control (CDC), et refuser un visa à tout individu dont l'itinéraire comprend un départ d'un tel pays. »

L'idée d'interdiction des vols a déjà obtenu le soutien de plus de 70 membres du Congrès. Les parlementaires adoptent cette position malgré le fait qu'aucun vol commercial régulier ne soit actuellement prévu de la Guinée, du Liberia ou de la Sierra Leone vers les États-Unis. L'interdiction de vols n'affecterait pas l'aide de l'armée américaine dans la lutte contre Ebola en Afrique de l'Ouest ni l'intervention des CDC.

Les membres du Congrès s'opposant à l'interdiction n'y sont pas allés par quatre chemins. « Veut-on réellement mettre en quarantaine l'Afrique de l'Ouest et empêcher aux gens d'aller et venir ? [...] Nous ne pouvons pas construire un mur autour des États-Unis », a dit le 16 octobre la démocrate Jan Schakowsky, représentante de l'Illinois.

Mais peut-on construire un mur autour de trois pays en Afrique de l'Ouest ?

Pas vraiment. La Guinée, le Liberia et la Sierra Leone sont tous trois membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui, comme l'Union européenne, permet aux habitants d'Afrique de l'Ouest de traverser librement les frontières des 15 États membres, du moins en théorie. Dans la pratique, quelques membres de la CEDEAO ont fermé leurs frontières aux transports en commun (avions, trains, bus et bateau) en provenance de ces trois pays. Le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Nigeria et le Sénégal ont tous, à un moment ou à un autre, limité les déplacements depuis les pays où Ebola et le plus virulent.

D'autres pays africains ont également promulgué des lois interdisant certains voyages à cause d'Ebola. International SOS, société mondiale d'assistance médicale d'urgence, tient à jour une liste des restrictions relatives aux déplacements. Mais les frontières sont poreuses. Le gouvernement américain finira donc peut-être par devoir étendre son interdiction de vol à toute l'Afrique de l'Ouest.

Comme aucun vol n'est programmé vers les États-Unis, les personnes provenant du Liberia, de Sierra Leone et de Guinée doivent passer par l'Europe (Thomas Eric Duncan avait fait escale à Bruxelles). L'interdiction finirait-elle donc par être étendue aux vols venant d'Europe ? Et qu'en est-il des Américains et des Européens qui se trouvent actuellement dans les pays touchés où qui prévoient de s'y rendre bientôt, en tant que travailleurs humanitaires ou que citoyens d'origine africaine ? On ignore comment le gouvernement américain pourrait contrôler ce flux.

« C'est une idée attirante, cela semble si facile », a dit Michael Leavitt, ancien secrétaire d'État américain à la Santé et aux Services sociaux sous l'administration Bush et opposé à l'interdiction des vols. « Mais lorsque l'on s'intéresse à la deuxième couche d'activités, puis la troisième et la quatrième, cela devient compliqué. Imaginez par exemple qu'un citoyen libérien se rende en Espagne et présente des symptômes une fois là-bas et que des gens en Espagne soient contaminés. Étendriez-vous l'interdiction à l'Espagne ? Et si un Espagnol se rend au Royaume-Uni et que [la maladie apparaît] là-bas, ajouteriez-vous le Royaume-Uni ? Et s'il s'avère qu'une personne infectée là-bas se révèle être un citoyen américain et veut rentrer aux États-Unis pour se faire soigner. Est-ce que vous le laisseriez entrer sur le territoire ? »

Les États-Unis pourraient s'inspirer du Sénégal, qui a interdit les voyages en provenance de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone tout en ouvrant un couloir humanitaire pour permettre aux médecins et aux travailleurs humanitaires de se rendre sans danger dans les régions touchées et d'en revenir. Une partie de l'aéroport leur est donc réservée pour qu'ils puissent aller et venir et transporter leur équipement. La plupart des compagnies aériennes régionales et internationales qui avaient des vols réguliers vers la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone ont toutefois déjà suspendu leurs vols. Il existait des vols commerciaux au départ du Nigeria, du Ghana et du Sénégal, mais ils ont été interrompus jusqu'à nouvel ordre. De nombreux membres de la communauté internationale estiment que ces restrictions régionales en matière de voyage empêchent de répondre correctement à la crise. Si les vols sont rares et espacés, il est difficile pour les travailleurs humanitaires, les épidémiologistes et autres professionnels de la santé d'entrer et sortir de ces pays avec leur équipement.

Sean Casey, d'International Medical Corps, qui ouvre des centres de traitement en Sierra Leone et au Liberia, a dit au Los Angeles Times que ce qui n'était qu'un vol court entre la Sierra Leone et le Liberia était devenu un long calvaire. « Chaque barrage mis en place complique la mise en oeuvre de la réponse nécessaire », a dit M. Casey. Lawrence Gostin, directeur de l'O'Neill Institute for National and Global Health Law de l'université de Georgetown, a quant à lui dit à The New Republic : « Les défenseurs de l'interdiction supposent que cela ne concernerait que les États-Unis et les travailleurs humanitaires américains. Mais si les États-Unis adoptent l'interdiction des vols, cela provoquerait une réaction en cascade dans le monde qui condamnerait pour ainsi dire toute une région. Cela entraverait non seulement le transport des travailleurs humanitaires, mais aussi des médicaments essentiels, de la nourriture et du matériel humanitaire. Cela finirait par paralyser ces pays. » Le gouvernement devrait mettre en place un système logistique complet de vols charter et militaires à but humanitaire pour remplacer les vols commerciaux interdits par le CEASE.

L'interdiction des vols proposée aux États-Unis serait surtout une décision symbolique visant à apaiser les nerfs d'un public américain extrêmement vigilant. Mais une telle interdiction pourrait avoir d'autres conséquences sur la mentalité américaine. Les agences de voyages opérant en Afrique s'inquiètent de la contagion psychologique d'Ebola. Le tourisme aux quatre coins du continent souffre déjà, même dans des pays qui se trouvent à des milliers de kilomètres de l'épicentre de la crise : safaris au Kenya, écotourisme en Namibie ou routes des vins en Afrique du Sud. Stefano Cheli, voyagiste à Nairobi, a dit à Bloomberg que les touristes n'achetaient pas. « Ils sont paranoïaques par rapport à la présence d'Ebola en Afrique et ne se rendent pas compte des distances. Le Liberia est plus proche de Londres par avion que de Nairobi. »

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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