Sher Alam, 55 ans, a fui Mir Ali, ville du Nord-Waziristan, à la fin du mois de juin, après l’envoi de milliers de soldats par le gouvernement pakistanais dans la région. Bien décidé à sauver sa vie, il a fait le trajet jusqu’à Karachi, la capitale de la province de Sindh, où il est arrivé le 30 juin. Le bus qu’ils ont emprunté, lui et d’autres PDIP, a été arrêté à cinq reprises par des policiers de la province qui les ont interrogés sur leurs motivations à rejoindre le Sindh et ont parfois exigé le versement de pots-de-vin. « Ils nous ont harcelés, nous ont posé des questions inutiles et nous ont demandé de l’argent », a dit à IRIN M. Alam.
Le gouvernement pakistanais, qui aurait le soutien des drones américains, mène des attaques sur la région du Waziristan depuis plusieurs années pour combattre les talibans et d’autres groupes militants, ce qui a entraîné des déplacements. Mais la crise humanitaire s’est aggravée au mois de juin, lorsque l’armée a annoncé le déclenchement d’une opération majeure suite à l’attaque par les talibans de l’aéroport de Karachi.
Des centaines de milliers de civils ont fui leur domicile et les autorités pakistanaises ont enregistré près d’un million de PDIP. Il n’y a pas d’estimation officielle du nombre de réfugiés ayant rejoint la province de Sindh, située à environ 1 000 km, mais les experts estiment qu’ils pourraient être plusieurs dizaines de milliers.
Alors que le nombre de migrants arrivant dans la région s’accroit, les analystes indiquent que l’hostilité à leur égard grandit. En juin, le gouvernement provincial a annoncé qu’il empêcherait les PDIP du Nord-Waziristan d’entrer dans la région, une décision sur laquelle il est revenu une semaine plus tard. Muhammad Abbass Baloch, commissaire de la division de Sukkur de la province de Sindh, a confirmé à IRIN qu’ils n’empêchaient plus les PDIP d’entrer dans la province, mais qu’ils multipliaient les contrôles de sécurité. « Tout citoyen pakistanais peut venir dans le Sindh car c’est un droit garanti par la Constitution […] Nous ne faisons que contrôler les PDIP et nous relevons leur identité », a-t-il dit à IRIN.
Dans le Sindh, des groupes extrémistes de plus en plus influents pensent que les contrôles ne sont pas suffisants. Le « Save Sindh Committee » (SSC), qui fait campagne pour l’expulsion des résidents non sindhis, utilise des tactiques plus spectaculaires pour demander des mesures plus fermes à l’encontre des PDIP. Entre le 5 et le 11 juillet, ses membres ont bloqué les routes principales et, le 22 juillet, ils ont immobilisé plusieurs parties de la région en organisant une grève.
« Nous sommes tristes pour les PDIP qui ont été contraintes de quitter leur domicile et de migrer, mais nous ne les accueillerons pas dans le Sindh », a dit à IRIN Jalal Mehmood Shah, président du SSC. Il a indiqué que l’afflux de PDIP entraînait un déséquilibre démographique dans la province et a dit craindre que les talibans n’entrent dans le Sindh en se faisant passer pour des déplacés. « On devrait les installer dans des zones proches de leur ville d’origine », a-t-il dit.
Des analystes ont dit que les groupes tels que le SSC exerçaient une pression croissante sur le Parti du peuple du Pakistan (PPP), le parti à majorité sindhie qui dirige l’État, pour qu’il introduise des mesures strictes à l’égard des PDIP.
« Le PPP, qui croit à la politique fédérale, est incapable [d’enrayer] les critiques formulées par les groupes politiques rivaux concernant l’arrêt de l’accueil des PDIP dans le Sindh », a dit Imdad Soomro, journaliste basé à Karachi qui couvre le sujet de la politique dans la province.
Les Pachtounes connaissent des difficultés financières
Les PDIP du Nord-Waziristan ne sont pas les seules victimes de l’hostilité. Un nombre croissant de rapports indiquent que les Pachtounes de la province sont victimes du harcèlement exercé par des organismes d’application de la loi ainsi que des membres des partis ethniques sindhis.
Bon nombre de Pachtounes de la tribu Mehsud ont fui le Sud-Waziristan il y a cinq ans, suite à l’opération militaire « Rah-e-Nijat » (Voie du salut) lancée contre le Tehrik-e-Taliban Pakistan, un mouvement extrémiste interdit. Mais ils se plaignent que, malgré l’hostilité dont ils sont victimes dans le Sindh, l’armée pakistanaise ne les autorise pas à rentrer chez eux.
« Des dizaines de milliers de familles de la tribu Mehsud du Sud-Waziristan… se sont installées dans le Sindh [pendant l’opération Rah-e-Nijat] », a dit Sohail Khattak, un journaliste pachtoune basé à Karachi. « [Celles] qui vivent à Karachi souhaitent repartir, mais le gouvernement ne les y autorise pas », a-t-il ajouté.
Une partie de la population de la province dénonce l’hostilité croissante à l’égard des PDIP et les défenseurs des droits de l’homme protestent. Shah Wali Khan, responsable du ‘Pashtun Peace and Development Movement’ (PPDM – un groupe de la société civile basé à Karachi et qui travaille avec la communauté pachtoune locale), a indiqué que son mouvement avait reçu de nombreuses plaintes émanant de PDIP et faisant état de harcèlement policier. « Il s’agit d’une injustice pour les personnes qui ont quitté leur maison dans l’intérêt de la paix dans le pays », a dit à IRIN M. Khan.
Il pense que les tentatives visant à empêcher les PDIP d’entrer dans le Sindh constituent une violation des articles 15, 18 et 23 de la Constitution pakistanaise qui prévoient la liberté de circulation, de commerce et l’acquisition de propriété. Le PPDM, a-t-il ajouté, vient de déposer une plainte auprès d’un tribunal contre « les actes de harcèlement exercés par le personnel chargé de l’application des lois contre les PDIP ».
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