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Les violences et les déplacements mettent à rude épreuve les services de santé irakiens

UNHCR staff meets with IDP’s from Mosul at the Khazair checkpoint, the last official checkpoint before they can travel to Erbil. UNHCR is carrying out assessments to determine their immediate needs. R.Nuri/UNHCR/Iraq
Selon les fonctionnaires, dans les zones de combat du centre de l’Irak, les hôpitaux et les cliniques peinent à fonctionner à plein régime à cause des échanges de tirs, des pénuries d’électricité et de combustible et de l’exode du personnel.

Par ailleurs, au Kurdistan, région du nord de l’Irak qui accueille des centaines de milliers de personnes qui ont fui les combats entre les extrémistes et les forces du gouvernement, les services de santé peinent à répondre aux besoins croissants des déplacés.

Début juin, de violents bombardements ont partiellement détruit deux hôpitaux de Mossoul, l’une des villes les plus touchées par les combats, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les extrémistes se sont emparés d’édifices gouvernementaux, ont pris le contrôle de l’aéroport et ont attaqué la banque centrale de Mossoul, qui est touchée par des pénuries d’électricité et d’autres sources d’énergie. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), même si certains hôpitaux soignent toujours les blessés, certains d’entre eux ont complètement cessé de fonctionner ou tournent à capacité réduite.

Selon des organisations humanitaires, les combats ont également entraîné des dégâts dans plusieurs hôpitaux et autres centres de santé des villes de Tikrit et Fallouja. Le 13 juin, des bombardements ont causé d’importants dommages dans une clinique de Médecins Sans Frontières (MSF) à Tikrit.

Les pénuries de combustible dues au blocage des routes et à la prise de contrôle par les extrémistes de la principale raffinerie de pétrole du pays, à Baiji, affectent la mobilité du personnel médical, entravent la livraison de médicaments et autres produits et limitent l’utilisation des ambulances, ont averti les Nations Unies le 26 juin.

Les coupures d’électricité, qui ne peuvent être palliées par des générateurs à cause du manque de combustible, limitent également les horaires de fonctionnement des centres de santé, malgré les besoins croissants de soins médicaux dus à l’escalade de la violence, ont dit des fonctionnaires à IRIN.

Les combats entre les forces du gouvernement, l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et d’autres groupes armés sunnites ont commencé il y a plusieurs mois dans la province d’Anbar, à l’ouest du pays. Les sunnites se sentaient marginalisés par le gouvernement majoritaire chiite. En juin, les combats se sont étendus aux provinces de Salaheddine, Nineveh et Kirkuk, poussant environ 500 000 personnes à fuir au cours des deux dernières semaines. Le nombre total de déplacés depuis le début de l’année a ainsi atteint environ 1,2 million de personnes.

Des équipes de l’OMS, du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales distribuent des trousses d’urgence et autres fournitures médicales essentielles aux centres de santé des zones touchées par les violences. L’accès des organisations humanitaires est cependant limité en raison de l’imprévisibilité de la situation sécuritaire.

« Il est difficile d’atteindre les zones les plus touchées et les personnes déplacées sont éparpillées partout, ce qui complique encore davantage la distribution des services », a dit Fabio Forgione, chef de mission de MSF en Irak.

« Il est extrêmement difficile d’offrir une assistance de base et des soins médicaux dans un tel environnement, où les activités médicales elles-mêmes sont attaquées », a-t-il dit. Dans de nombreux établissements de santé du centre de l’Irak, les médicaments viennent à manquer et le personnel médical lui-même fuit pour sa propre sécurité, a-t-il ajouté.

Blocage des réseaux de distribution

Bien qu’il n’y ait actuellement pas de combats dans la région semi-autonome du Kurdistan, les services de santé sont poussés à la limite de leurs capacités par l’afflux soudain de plusieurs centaines de milliers de personnes fuyant les affrontements.

« Nous sommes très inquiets en ce qui concerne les personnes en danger qui restent cachées, celles qui vivent dans des caves ou des chantiers, celles qui se trouvent dans les parcs »
Nombre de ces nouveaux arrivants présentent des blessures ou des maladies chroniques. La maternité d’Erbil, capitale du Kurdistan irakien, a signalé cette semaine que le nombre de césariennes était passé d’entre huit et dix par jour à plus de vingt.

Parallèlement à cette hausse du nombre de patients qui entame les réserves de médicaments du Kurdistan, l’approvisionnement depuis Bagdad, où le gouvernement fédéral irakien centralise les achats, a connu d’importants retards.

« La demande de médicaments est extrêmement importante », a dit à IRIN Hussain Syed Jaffar, médecin et représentant de l’OMS en Irak. « Les stocks ne manquent pas à Bagdad, mais le problème est de les faire parvenir au Kurdistan, car les routes sont bloquées par les insurgés. »

L’OMS a fait acheminer 20 tonnes de médicaments et autres produits par avion depuis Dubaï et a organisé cette semaine une livraison par avion militaire de 15 tonnes de médicaments de Bagdad à Erbil.

Polio, rougeole

L’escalade de la violence en Irak et les perturbations que cela a entraînées pour le système de santé public sont considérées comme responsables de la réapparition de la polio, qui s’est déclarée à Bagdad cette année pour la première fois en 14 ans.

Une campagne de vaccination nationale a été menée en avril, mais les rapports de surveillance montrent que les combats et les déplacements ont limité la portée de la campagne dans certaines régions, notamment à Anbar, qui n’est plus sous le contrôle du gouvernement depuis janvier. La situation risque de ne pas s’améliorer le mois prochain pour la prochaine série de vaccinations.

Les travailleurs humanitaires sont également en état d’alerte maximale pour la rougeole, qui est endémique à Mossoul. L’UNICEF a mis en place des postes de vaccination à la frontière entre le centre de l’Irak et la région semi-autonome kurde afin d’enrayer une éventuelle épidémie.

En prévision de la campagne de lutte contre la polio à venir, l’UNICEF a distribué cette semaine un million de doses de vaccins antipoliomyéliques oraux et a par ailleurs commandé 400 000 vaccins contre la rougeole.

Craintes d’une épidémie de choléra

Avec la hausse des températures estivales, les organisations craignent que le manque d’eau potable et d’installations sanitaires pour les déplacés entraîne des épidémies, notamment dans la province kurde de Duhok, où le choléra est endémique.

Une équipe d’experts de l’OMS travaillant au Centre international de recherche sur les maladies diarrhéiques du Bangladesh (International Centre for Diarrheal Disease Research, Bangladesh) a été déployée en Irak pour analyser la probabilité d’une épidémie de choléra et d’autres maladies transmissibles.

MSF dispose d’un hôpital mobile basé au camp de Domiz (qui compte environ 60 000 réfugiés syriens), à Duhok, pour soigner en urgence les cas de choléra. Selon M. Forgione, cet hôpital pourrait être mobilisé rapidement si nécessaire. L’OMS a financé des séances de formation en prévention du choléra à la demande du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK).

M. Jaffar, de l’OMS, a signalé que malgré les mesures mises en place pour faire face à la situation, des fonds et des effectifs supplémentaires font cruellement défaut.

« Le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) sent déjà la pression sur son système de santé en accueillant des réfugiés syriens et maintenant, il y a ce nouvel afflux [de PDIP] et d’autres sont attendus et ils ne vont pas pouvoir faire face tout seuls », a-t-il dit.

« Le capital humain est insuffisant pour offrir les services nécessaires et les travailleurs de la santé eux-mêmes ont été déplacés par les violences. »

Le Kurdistan lance un appel à l’aide

« Il y a une guerre à notre frontière et de nombreux blessés viennent à Erbil pour des soins médicaux d’urgence », a expliqué Raad Najmaddin, coordonnateur des programmes relatifs aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) et responsable des opérations médicales et des services spécialisés au ministère de la Santé du GRK.

« C’est un nouveau fardeau pour nos hôpitaux et nous avons besoin de soutien autant en matière d’effectifs que de médicaments », a-t-il dit avant d’ajouter que le GRK avait demandé aux Nations Unies de faire parvenir d’urgence du personnel paramédical, des médecins et des fournitures médicales.

Les combats entre l’EIIL, les autres mouvements extrémistes sunnites et les forces de sécurité irakiennes s’intensifient dans tout le pays. Le nombre de déplacés devrait donc augmenter. La question de l’accueil des familles est source de vives préoccupations.

Une poignée de camps ont été mis en place près des postes de contrôle entre le Kurdistan et le reste de l’Irak et d’autres sont en projet, mais la plupart des déplacés se sont installés dans des villages ou des villes. La majorité d’entre eux dorment dans des parcs ou campent dans des abris collectifs.

Les équipes de protection de l’UNICEF et d’autres agences des Nations Unies et ONG passent les villages et villes du Kurdistan au peigne fin dans l’espoir de localiser ces groupes et de les mettre en contact avec les services de santé et d’autres réseaux de soutien.

« Nous sommes très inquiets en ce qui concerne les personnes en danger qui restent cachées, celles qui vivent dans des caves ou des chantiers, celles qui se trouvent dans les parcs », a dit à IRIN Colin MacInnes, représentant par intérim de l’UNICEF en Irak. « Ces personnes sont invisibles [...] Il est difficile d’identifier les besoins des plus vulnérables, car ils ne se trouvent pas là, dehors [sous nos yeux]. »

« Certains d’entre eux sont blessés ou ont des besoins médicaux chroniques et ils n’ont pas accès aux services de santé. Nombre d’entre eux sont traumatisés [...] Il y a de jeunes garçons et de jeunes filles qui mendient pour aider leur famille », a-t-il ajouté.

IRIN a trouvé un groupe de près de 50 personnes derrière le grand bazar coloré d’Erbil, à l’ombre de l’ancienne citadelle. Ils avaient fui Mossoul la semaine précédente et se tenaient dans les coins d’ombre de la cour d’une mosquée.

Certains tendaient des ordonnances, disant qu’ils avaient besoin de médicaments. Une femme en robe noire sanglotait en tenant sa petite fille au visage couvert de rougeurs.

« Regardez ma fille », a interpelé en pleurant cette femme qui a souhaité garder l’anonymat. « Elle est malade, nous avons besoin d’aide. »

À côté d’elle, serrant son ventre gonflé, Shada Salah, mère de quatre enfants dans un état de grossesse avancée, demandait elle aussi de l’aide. « Nous ne pouvons pas rester ici. Les gens tombent malades à cause des [crottes de] chats. Je m’inquiète pour mon enfant qui va naître », a dit cette femme de 30 ans en larmes.

M. Jaffar a qualifié les besoins de santé d’énormes et dit qu’ils « augmentent quotidiennement », mais selon lui, le plus difficile est l’incertitude politique.

« On peut mettre en place des plans et des stratégies efficaces, mais il faut les modifier tous les jours, car la situation est vague et évolue rapidement », a-t-il dit.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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