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Les querelles politiques internes menacent le gouvernement somalien

Somalia’s former Prime Minister Abdi Farah Shirdon 'Saa'id'  left office on 2 December following a no-confidence vote Jean-Marc Ferré/UN Photo
Avant même que le nouveau premier ministre somalien, Abdiweli Cheikh Ahmed, ne révèle la composition de son cabinet, les analystes ont prédit un blocage de l’État somalien si l’exécutif était de nouveau secoué par des conflits. M. Ahmed a pris ses fonctions le 26 décembre, à la suite d’un vote de défiance du Parlement somalien à l’encontre de son prédécesseur, Abdi Farah Shirdon Said, le 2 décembre.

« Le renversement de l’ancien [premier ministre] M. Shirdon a provoqué, en réalité, une perte de crédibilité, car les crises politiques internes au sein des gouvernements de transition sont récurrentes depuis l’an 2000. » C’est ce qu’a déclaré, dans un email envoyé aux journalistes d’IRIN, Abukar Sanei, directeur du groupe de réflexion somalien Center for Policy Analysis and Research (Centre d’analyse et de recherche politiques, CfPAR). « Les gens attendaient de ce “gouvernement permanent” qu’il évite les querelles politiques internes et qu’il fasse avancer le pays dans un processus de construction de la paix et de renforcement de l’État. »

Selon une note d’information publiée par le Heritage Institute for Policy Studies (HIPS), un groupe de réflexion somalien, le changement de gouvernement en Somalie déstabilisait le pays et « une nouvelle série de luttes intestines pourrait provoquer la chute de ce gouvernement ».

D’après la note d’information du HIPS, le renversement de M. Shirdon porte « sérieusement atteinte à la crédibilité du gouvernement fédéral somalien et le détourne de sa tâche urgente de renforcement de l’État ». M. Shirdon est resté seulement 13 mois au pouvoir, et les derniers mois ont été marqués par des tensions avec le président Hassan Cheikh Mohamoud.

Un exécutif en proie aux luttes intestines

Les divisions politiques au sein de l’exécutif sont un éternel problème en Somalie.

« Depuis 2000, presque chaque cohabitation de dirigeants nommés ou élus rencontre les mêmes problèmes. À chaque fois, nous perdons un temps précieux, les institutions sont mises à mal et les problèmes structurels profonds – la véritable cause de ces désaccords chroniques – ne sont jamais traités », ont expliqué dans un article d’opinion Afyare Elmi et Abukar Arman, respectivement professeur à l’Université du Qatar et ancien ambassadeur de Somalie aux États-Unis.

Au cours des 13 dernières années, la Somalie a vu se succéder quatre présidents et 10 premiers ministres, avec des changements fréquents de l’exécutif, ce qui « porte un coup dévastateur et irrévocable aux institutions déjà fragiles », ont ajouté les auteurs de l’article.

En effet, avant le départ de M. Shirdon, plusieurs projets de loi devaient être débattus par le Parlement somalien, notamment des lois sur l’antiterrorisme, le fédéralisme, les investissements étrangers et les services judiciaires. Le premier ministre, M. Ahmed, a demandé au parlement de suspendre les débats et la ratification des projets de loi émanant du gouvernement de M. Shirdon en attendant la formation d’un nouveau cabinet.

Les organisations terroristes telles que les insurgés d’Al-Shabab pourraient profiter de la situation. La corruption et les rivalités claniques pourraient également s’aggraver sur fond de blocage politique, selon les auteurs de l’article.

Un partage inégal du pouvoir

D’après la constitution provisoire de la Somalie, le président et le premier ministre se partagent le pouvoir, afin de maintenir un équilibre entre les clans. Mais le rôle exact du premier ministre n’est pas précisé, ce qui place les deux dirigeants en concurrence pour le contrôle politique. Dans leur article d’opinion, les analystes M. Elmi et M. Arman affirment que ce modèle favorise les divisions et les querelles. Ils préconisent le passage à un modèle gouvernemental présidentiel plutôt que parlementaire.

« Les gens attendaient de ce « gouvernement permanent » qu’il évite les querelles politiques internes et qu’il fasse avancer le pays dans un processus de construction de la paix et de renforcement de l’État »
Le président nomme le premier ministre, mais ne peut pas le limoger. Le président est également chargé de faire appliquer l’ensemble des politiques, tandis que le cabinet est responsable de l’élaboration des projets de loi.

« La présidence est perçue comme usurpant des responsabilités qui vont au-delà de celles énoncées dans la constitution provisoire, et ce, aux dépens du premier ministre », ajoute le HIPS dans sa note d’information.

Les institutions de haut niveau n’échappent pas à cette ingérence du pouvoir. À peine quelques semaines avant le départ de M. Shirdon, Yussur Abrar, nommée gouverneur de la Banque centrale, a démissionné après être restée seulement sept semaines en poste. Elle dénonçait la corruption et l’ingérence du gouvernement et aurait déclaré : « la Banque centrale est dans l’impossibilité de fonctionner sans ingérence, et par conséquent, elle ne peut fonctionner en tant qu’institution crédible ».

Cependant, Nicholas Kay, représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Somalie, est optimiste. Concernant le vote de défiance, M. Kay a déclaré : « il était important que cet acte parlementaire sans précédent se déroule en conformité avec la constitution provisoire et le règlement intérieur du Parlement ».

Des obstacles demeurent

Reste à savoir si le premier ministre M. Ahmed fera mieux que son prédécesseur. « Je crois que le premier ministre Abdiweli Cheikh Ahmed nommera ses nouveaux ministres après de longues consultations. Son objectif est de former un cabinet inclusif capable de garantir l’état de droit, la bonne gouvernance et des services publics de bonne qualité », a déclaré M. Kay.

Il reste beaucoup de travail à faire en prévision des élections de 2016. « À cause du manque de légitimité et de soutien, il est difficile d’envisager l’émergence d’institutions qui marqueraient le début pour la Somalie d’une nouvelle ère axée sur une politique inclusive au cours des trois prochaines années. Les défis colossaux qui attendent le gouvernement semblent de plus en plus insurmontables », expliquent les auteurs de la note d’information du HIPS.

Selon ces auteurs, il est trop tôt pour juger des capacités du premier ministre, M. Ahmed, mais le problème structurel d’un possible blocage politique demeure.

Comparé à M. Shirdon, « le nouveau premier ministre est encore plus vulnérable », a déclaré à IRIN Cedric Barnes, directeur du projet Corne de l’Afrique à l’International Crisis Group (ICG). Selon lui, bien que M. Ahmed soit très qualifié, car il a travaillé ces vingt dernières années pour différentes institutions à l’étranger, il n’a pas d’expérience en politique. « Il se retrouve vraiment en position de faiblesse au sein du gouvernement fédéral », a expliqué M. Barnes.

aps/aw/rz-fc/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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