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L’incertitude grandit dans un climat plus chaud

Men sift wheat at Ihil Berenda, the wholesale grain market in Addis Ababa Jaspreet Kindra/IRIN
Une nouvelle étude sur les impacts prévus de différents scénarios de changement climatique sur la production de maïs et de blé en Afrique du Sud montre que la communauté scientifique est encore loin de pouvoir prédire avec exactitude l’effet du réchauffement climatique sur la production alimentaire.

Lyndon Estes, chercheur à l’université de Princeton, et ses co-auteurs ont conclu que les résultats des études qui utilisent des modèles mécanistes ou mathématiques et les résultats des études qui utilisent des modèles empiriques - basées sur les données collectées par observation directe – diffèrent sensiblement.

En général, les chercheurs utilisent soit les modèles mécanistes, soit les modèles empiriques pour réaliser des prévisions. Dans le cadre de l’étude de l’université Princeton, les deux types de modèles ont été utilisés pour prédire comment le changement climatique pourrait avoir un impact sur la production de maïs et de blé en Afrique du Sud en 2055. Cette étude a montré que les modèles empiriques prédisaient une perte de rendement plus importante ou une hausse de rendement plus faible que les modèles mécanistes.

Les modèles empiriques ont prédit que le rendement du maïs diminuera de 3,6 pour cent, alors que les modèles mécanistes ont prédit que le rendement du maïs augmentera de 6,5 pour cent, « principalement en raison de gains en efficience dans l’utilisation de l’eau résultant de concentrations élevées en CO2 et de l’augmentation prévue des précipitations ».

Les conclusions s’inscrivent dans la lignée des études réalisées par des chercheurs éminents, comme David Lobell de l’université de Stanford, auteur principal du cinquième Rapport d’évaluation du Groupe de travail II du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui traite de l’impact, de l’adaptation et de la vulnérabilité, et Martin Parry, ancien co-président du Groupe de travail II. Basées sur les modèles empiriques, les études réalisées par M. Lobell prévoyaient des pertes deux fois plus importantes que celles prévues par les études basées sur les modèles mécanistes, dont l’une a été conduite par M. Parry.

M. Estes a dit à IRIN qu’il pourrait être bon d’utiliser les deux approches pour réaliser des projections des impacts climatiques, car « [Elles] présentent des structures, des hypothèses et des sensibilités aux données radicalement différentes, donc ces grandes différences peuvent augmenter la confiance dans les conclusions lorsqu’elles coïncident tout en mettant en lumière plus efficacement les limitations des modèles et des données lorsqu’elles diffèrent ».

Au début de l’année 2013, Sharon Gourdji, chercheuse expérimentée de l’université de Stanford, a co-écrit une étude avec M. Lobell. Cette étude a montré que 44 pour cent des zones de culture du maïs risquaient d’être soumises à une chaleur extrême d’ici à 2050, contre 15 pour cent au début des années 2000. « Les précipitations constituent la principale source d’incertitude des projections climatiques, en raison de la forte variabilité interannuelle. Elle alimente les modèles de prévision de culture », a-t-elle noté.

« Dans le cas de l’étude sur l’Afrique du Sud, l’une des raisons pour lesquelles les deux approches de modélisation diffèrent est que les projections climatiques envisagent un climat plus chaud et plus humide. Si les projections envisageaient un climat plus chaud et plus sec, ou plus chaud et sans véritable modification des précipitations, vous trouveriez peut-être que les deux approches de modélisation sont davantage conformes l’une à l’autre. (En général, le réchauffement est négatif, mais l’augmentation de l’humidité est positive, donc différents modèles peuvent opposer ces effets de différentes manières) ».

Dans un courriel qu’il a adressé à IRIN à titre personnel, Andrew Challinor, un professeur travaillant sur les impacts du changement climatique à l’université de Leeds, au Royaume-Uni, et un des auteurs principaux du chapitre sur la sécurité alimentaire dans le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe de travail II du GIEC, a noté, « les comparaisons entre les modèles empiriques et les modèles mécaniques n’en sont qu’à leurs débuts et ce genre d’étude est très importante … Les deux types de modèles ont leurs avantages et leurs inconvénients et comme les auteurs … l’indiquent, une évaluation commune … constitue une orientation de recherche importante ».

Les effets antagonistes mis en évidence par les modèles laissent entrevoir une possible augmentation de la marge d’incertitude concernant la façon dont les cultures vont répondre au changement climatique. « Ainsi, une attention particulière doit être accordée aux méthodes utilisées pour exprimer l’incertitude avec efficacité, pour prendre des décisions dans l’incertitude et pour faire accepter l’incertitude aux responsables politiques », suggère M. Estes.

Une étude réalisée par M. Challinor et Philip Thornton, chercheur au sein de l’Institut international de recherche sur le bétail (International Livestock Research Institute, ILRI), et co-écrite avec Julian Ramirez-Villegas du Centre international d’agriculture tropicale basé en Colombie et Andy Jarvis de l’ILRI, a examiné les améliorations à apporter aux modèles climatiques globaux pour les études d’impact sur l’agriculture régionale. « Les incertitudes et le manque de compétences en matière de climats régionaux simulés doivent être communiqués et compris par les chercheurs en agronomie et les responsables politiques si l’on veut parvenir à une adaptation efficace et adéquate de l’agriculture dans les 20 à 40 années à venir ».

Faire face

Les climatologues ont toujours souligné qu’il était difficile de déterminer si les petits changements climatiques étaient le résultat de fluctuations naturelles à court terme - qui peuvent être saisonnières - ou s’ils étaient liés au réchauffement climatique.

« Il est peut-être plus important de maîtriser les risques connus que d’identifier des possibilités toutes nouvelles (et incertaines) », a dit Sonja Vermeulen, responsable de la recherche du Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS), dans une récente étude co-écrite avec M. Thornton.

Les auteurs demandent des investissements pour donner aux agriculteurs les moyens d’élargir leur éventail de stratégies, anciennes et nouvelles, afin de faire face aux risques climatiques. Par exemple, les agriculteurs du Sri Lanka ont décidé de recycler les eaux usées de leur foyer et de limiter l’utilisation des eaux souterraines en vue d’en assurer une gestion durable.

Mais nous avons encore besoin de prévisions de l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire. L’étude réalisée par Mme Gourdji a pour objectif d’informer les responsables politiques et les agriculteurs sur les stratégies d’adaptation qu’ils pourraient mettre en œuvre dès aujourd’hui.

Son étude a fixé « [la] limite supérieure du risque pour les marchés mondiaux du maïs, du blé, du riz et du soja en se basant sur le réchauffement futur lié la chaleur extrême au [stade reproductif,] une période très sensible pour les cultures. Cette étude part de l’hypothèse qu’il est peu probable que les agriculteurs ne s’adaptent pas, mais il est toujours utile de connaitre la limite supérieure du pire scénario », a dit à IRIN Mme Gourdji.

« De même, les études réalisées à l’échelle mondiale gomment les détails locaux, par exemple, les variétés de maïs les plus résistantes à la chaleur dans les pays tropicaux. Je pense qu’en tant que scientifiques nous avons peur que les gens prennent nos conclusions au pied de la lettre sans comprendre les nuances ou les mises en garde ».

Il est probable que les agriculteurs modifient leurs pratiques, ou des technologies basées sur l’utilisation de semences ou d’engrais améliorés seront développées, mais ils « ont également besoin de l’avis des responsables politiques pour déterminer les questions les plus pertinentes et choisir la cible de leurs efforts », a dit Mme Gourdji.

« Les lecteurs doivent garder à l’esprit que l’incertitude existe, et qu’il y a différentes classes de modèles qui ont chacun des avantages et des inconvénients ».

jk/he-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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