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Transferts monétaires et protection sociale en Afrique de l’Ouest

Kumba Ka, president of the gardner association and Aissa Ka on their plot of land Jane Labous/IRIN
La distribution d’espèces et de coupons d’approvisionnement par les organisations humanitaires en situation d’urgence a augmenté de manière significative au cours des dernières années. À titre d’exemple, le Programme alimentaire mondial (PAM) a triplé ses transferts dans les trois dernières années.

De l’avis des travailleurs humanitaires, la priorité est maintenant de garantir que ces programmes d’urgence complètent, plutôt qu’ils ne remplacent, les efforts gouvernementaux en matière de protection sociale à long terme ; d’inciter les gouvernements à assumer davantage leurs responsabilités financières ; et de garantir que les programmes de distribution d’espèces s’intègrent à d’autres programmes de protection comme la distribution de repas à l’école ou la fourniture de soins de santé gratuits.

Les gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest et les bailleurs de fonds gèrent actuellement plusieurs dizaines de programmes de protection sociale, qu’il s’agisse de programmes de distribution d’espèces (le PAM transfère notamment des espèces au Ghana, au Niger et au Sénégal) ; d’une protection sociale à plus long terme (la Banque mondiale et les gouvernements du Burkina Faso, du Ghana, de la Mauritanie et du Niger) ; ou de subventions alimentaires d’origine gouvernementale en réponse au coût élevé des denrées de base (le Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Tchad, entre autres, en ont bénéficié au cours des dernières années).

Les programmes à court terme devraient, s’ils sont bien conçus, compléter les programmes à long terme, a dit Margie Rehm, responsable Afrique de l’Ouest du programme « cash-for-change » du PAM. En Afrique de l’Ouest, cela pourrait prendre la forme suivante : « Le PAM propose un programme “argent contre travail” à l’intention des familles les plus démunies pendant la saison sèche et élargit cette aide à toutes les familles pauvres pendant la saison de soudure afin d’empêcher qu’elles ne chutent sur l’échelle socio-économique. C’est notre stratégie pour les deux années à venir », a-t-elle dit à IRIN.

Il y a longtemps que Paul Harvey, associé chez Humanitarian Outcomes, plaide en faveur d’une amélioration de la coordination entre les programmes de protection à long terme et les transferts d’urgence à court terme. Or, si l’on en croit les responsables des programmes monétaires en Afrique de l’Ouest, c’est précisément ce qui est en train de se produire.

Si l’intensification des transferts d’espèces est une bonne nouvelle, Al Hassan Cissé, coordonnateur des politiques de sécurité alimentaire d’Oxfam en Afrique de l’Ouest, insiste toutefois sur le fait que les gouvernements doivent prendre leurs responsabilités et assumer une plus grande partie du fardeau financier des mesures de protection sociale. Le gouvernement du Ghana finance la moitié de son programme national de protection sociale, mais c’est la Banque mondiale qui finance l’essentiel de ces programmes au Mali et au Niger.

« Il est difficile de déterminer qui, des bailleurs de fonds ou des gouvernements, est à l’origine de cette pression en faveur des transferts monétaires », a fait remarquer Christophe Breyne, coordonnateur auprès du CaLP (Cash and Learning Partnership), un réseau fondé par l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) et qui a pour objectif de favoriser une meilleure compréhension des programmes de transferts d’espèces.

Il semblerait que les gouvernements s’engagent dans cette voie, a-t-il dit en citant une initiative récente du gouvernement mauritanien. Celui-ci cherchait à analyser comment rediriger ses subventions non ciblées sur le gaz de cuisine et l’huile de cuisson vers des programmes de protection en faveur des plus démunis.

L’atténuation moins chère que l’intervention

Selon plusieurs spécialistes des transferts monétaires, les défenseurs de cette tendance devraient mettre en avant le fait, désormais bien connu, que les mesures d’atténuation – c’est-à-dire, dans ce cas, les subventions financières à long terme et d’autres programmes de protection – reviennent moins chères que l’intervention. C’est aussi un autre moyen de mettre les gouvernements nationaux à contribution. Les études examinant explicitement l’impact des transferts monétaires dans ce contexte sont rares, mais l’étude du Département britannique du développement international (DFID) sur la rentabilité des mesures d’atténuation par rapport aux interventions en Afrique de l’Est peut aussi bien s’appliquer aux transferts monétaires qu’à d’autres secteurs, a dit M. Breyne.

Apprendre des autres
Des leçons peuvent être tirées des tentatives de certains gouvernements de mettre en œuvre, à grande échelle, des programmes de transferts monétaires à court et à long terme. Le programme de protection sociale brésilien Bolsa Familia est souvent cité comme un modèle de réussite. En pleine récession, le gouvernement a revu à la hausse la valeur des subventions conditionnelles qu’il versait à 44 millions de personnes et élargi ses critères d’éligibilité (passant de 71 à 82 dollars de revenu mensuel), ce qui a permis à 12 millions de personnes supplémentaires d’en bénéficier.

L’Inde commence à convertir ses programmes de subventions existants (magasins d’État vendant des produits subventionnés, programmes de coupons pour paysans démunis, etc.) en transferts monétaires en espérant toucher 245 000 personnes. La conversion s’est faite progressivement en raison de la grande diversité des programmes concernés, notamment des subventions pour l’éducation, l’essence et l’alimentation.

Depuis deux ans, le PAM gère un programme de distribution de coupons alimentaires en Casamance, dans le sud du Sénégal. En s’inspirant du modèle du Brésil, le gouvernement tente de développer et d’exporter le programme à d’autres régions touchées par la crise alimentaire. « C’est une excellente opportunité de collaboration sud-sud », a dit Mme Rehm, du PAM.

Au Ghana, le PAM développe actuellement un projet de transferts monétaires pour compléter le programme gouvernemental de protection à long terme LEAP (Livelihood Empowerment Against Poverty), en partie financé par le Royaume-Uni. Le programme LEAP a pour objectif d’aider les familles démunies à sortir de la pauvreté en leur donnant les outils pour surmonter les moments difficiles. Les transferts sont conditionnels à la déclaration des naissances, à la scolarisation, à des visites prénatales et à l’immunisation des enfants.

L’utilisation croissante du paiement électronique par les banques, les bénéficiaires, les organisations et les gouvernements – par le biais d’un téléphone portable ou d’une carte bancaire, par exemple – a permis d’accroître l’échelle et la rapidité des programmes de transferts d’espèces, ce qui devrait, à l’avenir, faciliter la coordination des programmes à court et à long terme, a dit Mme Rehm.
Dans le même temps, l’emploi de transferts monétaires dans le cadre des programmes Hunger Safety Net au Kenya et Productive Safety Net en Éthiopie a démontré qu’une approche à plus long terme de la protection sociale pouvait constituer une alternative efficace à la fourniture de secours d’urgence à répétition, a affirmé Paul Harvey, de Humanitarian Outcomes. Ces programmes assurent aux familles vulnérables des transferts monétaires à long terme et à grande échelle, réguliers et sans restriction, afin de renforcer leur résilience.

Les bailleurs de fonds, les gouvernements et les organisations humanitaires devraient examiner le problème de la résilience sous deux angles, a suggéré M. Harvey : ils devraient ainsi se demander comment accroître la protection sociale en situation de crise, mais également comment encourager les gouvernements à envisager les programmes à court terme comme un point de départ pour une protection à plus long terme. « Il faut faire en sorte que les organisations d’aide au développement prennent les catastrophes au sérieux plutôt que d’obtenir des organisations humanitaires qu’elles fassent du développement », a-t-il dit à IRIN.

Premiers impacts

L’impact de la distribution préventive d’espèces en situation d’urgence sur la vie des bénéficiaires commence à se faire sentir, a dit M. Breyne. Des études portant sur deux programmes de transferts monétaires financés par l’ECHO (l’un en association avec Action contre la faim) et ayant pour objectif d’améliorer l’alimentation ont démontré que le nombre de ménages restreignant les aliments consommés avait diminué ; que les ménages les plus démunis avaient accès à davantage de terres pour produire du riz ; et que le taux de malnutrition avait baissé de 44,5 pour cent, a expliqué M. Breyne.

D’autres bénéfices sont attendus, notamment la constitution, par les ménages, de stocks de nourriture en prévention d’une catastrophe ; le maintien de l’accès aux soins de santé ou à l’éducation (lorsqu’ils y avaient accès auparavant) ; et la limitation des stratégies négatives d’adaptation. Lorsqu’elles en ont la possibilité, les familles « investissent dans leurs moyens de subsistance pour éviter de retirer leurs enfants de l’école et pour limiter les stratégies négatives d’adaptation comme l’aggravation des problèmes d’endettement ou la liquidation de la moisson dès sa récolte » a dit Mme Rehm.

Défis à surmonter

L’argent n’est évidemment pas une panacée, et la mise en oeuvre des programmes à long et à court terme peut se révéler complexe. Tous les programmes de transferts doivent être transparents et bien gérés pour éviter la corruption et l’interférence politique. Dans ce contexte, il convient de se poser des questions telles que : Quel est le point critique pour l’inclusion ? Quelle est la stratégie de sortie ? Dans quelle mesure faut-il augmenter les subventions en fonction de la catastrophe ? Comment s’assure-t-on que l’enregistrement est équitable et transparent ? Comment un tel programme peut-il être accessible pour un gouvernement relativement pauvre comme celui du Niger, où 40 pour cent de la population est considérée comme pauvre ?

Un mauvais ciblage des bénéficiaires des programmes à court ou à long terme est susceptible de susciter la colère ou le ressentiment des groupes exclus et d’ainsi attiser les tensions entre les communautés. Les différents objectifs des programmes permettront de désigner les bénéficiaires, et ces critères devront être clairement présentés aux communautés afin d’apaiser les tensions potentielles.

Le ciblage doit être nuancé. Les gouvernements ne doivent pas partir du principe que les personnes qui reçoivent des subventions seront automatiquement en tête des bénéficiaires des transferts d’urgence (un chevauchement des bénéficiaires des coupons alimentaires a été observé aux États-Unis après l’ouragan Katrina, même s’il était moins important que ce qui avait été anticipé). Les groupes les plus démunis ciblés par les organisations humanitaires sont souvent ceux qui ont été exclus des programmes de protection sociale à long terme parce qu’ils ne travaillaient pas ou n’étaient pas enregistrés, et qu’ils étaient donc plus difficiles à atteindre.

De la même façon, il est inutile de verser de l’argent aux ménages pour leur permettre d’accéder à des services de type soins médicaux ou éducation si ces services sont inexistants ou de mauvaise qualité.

D’après les conclusions d’un atelier de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) organisé en 2012, ce n’est qu’en coordonnant les transferts monétaires avec d’autres programmes de protection – la distribution de repas à l’école, la gratuité des soins médicaux pour les enfants de moins de cinq ans, etc. – que l’on obtiendra une différence durable en termes de résilience.

En marge des transferts monétaires d’urgence, les gouvernements devraient également accroître leurs stocks alimentaires d’urgence et encourager la production agricole des petits fermiers, pour ne citer que ces deux priorités, a dit M. Cissé, d’Oxfam.

Progression des transferts monétaires

Quoi qu’il en soit, les transferts monétaires représentent aujourd’hui 15 pour cent de l’ensemble des programmes de sécurité alimentaire du PAM – tous termes confondus, a dit Anna-Lisa Conte, responsable du programme « cash-for-change » de cette organisation. « On peut s’attendre à ce que l’évolution se poursuive dans cette région », a-t-elle ajouté.

Compte tenu de sa forte dépendance envers les importations de céréales (même lors des bonnes années) et de ses marchés bien intégrés, l’Afrique de l’Ouest est un terrain propice à la croissance, a dit Mme Rehm, soulignant toutefois les difficultés d’accès dues à la hausse des prix et aux précipitations abondantes de la saison des pluies et la configuration inhabituelle des échanges commerciaux observée actuellement dans le bassin est du Sahel.

Mais l’objectif de l’organisation n’est pas la croissance à tout prix, a dit Mme Conte. « Ce qui importe, c’est l’objectif du programme, s’il vise la sécurité alimentaire, l’alimentation, l’hébergement ou l’eau et l’assainissement. On détermine ensuite quel outil est le mieux adapté pour atteindre cet objectif. »

aj/cb-gd/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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