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Quelles technologies utiliser dans la gestion des catastrophes naturelles ?

A boy on an improvised raft travels down a flooded road in a slum district of Tumana, near Marikina, in the Philippines (Aug 2012) Jason Gutierrez/IRIN
A boy on an improvised raft floats down a flooded road in a slum district of Tumana, near Marikina, in the Philippines (Aug 2012)

Pendant plusieurs décennies, les gouvernements et les organisations non gouvernementales (ONG) se sont appuyés sur les solutions proposées par les entreprises du secteur privé pour assurer la collecte et l’interprétation des données d’urgence, et organiser la réponse aux situations de crise. Cependant, depuis quelques années, ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser aux technologies « open-source » (OS), qui sont moins coûteuses. IRIN s’est entretenu avec des experts du monde entier et leur a demandé quel était le mélange idéal de technologies pour faire face aux catastrophes naturelles.

Les logiciels privés permettent de tout faire, de la fourniture de données d’image et de données de système d’information géographique (SIG) à la centralisation des données générées par le gouvernement sur le « tableau » d’un centre de commandement en cas de crise. Ces logiciels existent depuis plusieurs décennies, mais ils sont coûteux.

ESRI (anciennement connu sous le nom d’Environmental Systems Research Institute ou Institut de recherche pour l’environnement) figure parmi les plus importantes entreprises du secteur privé travaillant dans le domaine de la gestion des catastrophes naturelles. Cette entreprise basée en Californie opère la plateforme ArcGIS, qui permet de créer des cartes interactives grâce à la technologie satellite. Fondée en 1969, cette entreprise valorisée à près de 900 millions de dollars par an contrôle près de la moitié du marché des technologies SIG.

Cependant, au cours de ces dernières années, et notamment depuis le tremblement de terre en Haïti en 2010, un nombre croissant de villes et d’ONG se sont tournées vers la technologie open source, car en général, le téléchargement d’un logiciel n’est pas assorti au paiement d’un droit de licence. Mais cette technologie présente quelques inconvénients, comme le manque d’experts capables de résoudre les pannes et la résistance affichée par les gouvernements qui préfèrent les logiciels privés mieux établis.

Qu’est-ce que le FLOSS ?

Les logiciels libres et open source (Free/Libre and open-source software, FLOSS) peuvent être téléchargés, utilisés, étudiés, copiés et redistribués à peu ou pas de frais. L’objectif est que les utilisateurs améliorent le code et transmettent un logiciel plus « solide ». Stuart Gill, un des co-fondateurs de la communauté des développeurs de FLOSS baptisée « Random Hacks of Kindness » (RHOK) a comparé ces « explosions d’innovations » (de la conception au développement du code) à l’évolution : les codes de logiciel les plus solides survivent.

Depuis sa création en mai 2009, le groupe – soutenu par la Banque mondiale, l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace américaine (National Aeronautics and Space Administration, NASA) et des entreprises domiciliées aux États-Unis comme Yahoo, Microsoft, Google et Hewett Packard – s’est engagé à développer des solutions pour la gestion des catastrophes naturelles avant d’élargir ses objectifs à des problèmes humanitaires plus globaux. Deux fois par an, il organise des évènements baptisés « hackathons » qui voient des technologistes bénévoles (l’organisation les appelle des pirates informatiques) développer des prototypes dans le but de garder une longueur d’avance sur les catastrophes naturelles.

M. Gill estime que, sur les centaines de prototypes développés à l’occasion des rassemblements organisés depuis 2009 pour être utilisés dans la gestion des catastrophes naturelles, 50 sont toujours utilisés et dix sont « vraiment bons ».

Bon marché et simple : telle est la devise de First Responder, l’un des produits développés lors d’un hackathon.

« Bon marché veut dire qu’il n’est pas nécessaire d’investir dans des serveurs, des solutions d’hébergement. Bon marché veut dire que l’on utilise des appareils peu coûteux, comme les smartphones et les tablettes. Bon marché veut dire une formation, un entretien, une assistance et des frais réduits au minimum. Bon marché veut dire que si vous appartenez à un organisme communautaire et que vous avez du personnel de soutien technique, vous pouvez obtenir une version gratuite du logiciel. Simple veut dire moins d’options et d’encombrement. Simple veut dire des gros boutons et une mise en page simple. Simple veut dire accessible depuis n’importe quel navigateur connecté à Internet », indique l’ordre de mission.

Ces missions « bouleversent » la manière dont le secteur privé a traité la question de la gestion des catastrophes naturelles, a dit John Crowley, un chercheur de l’Initiative humanitaire Harvard, basé à Washington et spécialisé dans l’accès des gouvernements aux données participatives en cas de catastrophe naturelle. M. Crowley est également l’auteur d’une étude de 2011 sur le partage de l’information en situation d’urgence.

Jusqu’à présent, les sociétés de logiciels propriétaires ont restreint l’accès au code source des logiciels – et en ont tiré profit – ce qui leur a permis de générer un flux de rentrées annuelles grâce à l’entretien des logiciels de leurs clients, a-t-il expliqué. « L’open source bouleverse ces rentrées d’argent et favorise la création d’un écosystème de développeurs ».

Québec, Canada

Il y a une dizaine d’années, le gouvernement de l’une des provinces du Canada a pris note de la situation.

En 2005, le Québec s’est tourné vers les technologies open source afin que le ministère provincial de la Sécurité publique puisse fournir des services d’information géographique ou SIG (qui n’existaient quasiment pas à l’époque). Étant donné qu’il n’y avait pas de culture de l’utilisation de logiciels privés de gestion des catastrophes naturelles en termes de SIG, il y a eu peu d’opposition à l’exploration des solutions open source, car le ministère avait peu d’informations sur les services SIG à l’époque, a dit Nicolas Gignac, spécialiste des SIG au sein du ministère.

Une équipe de trois experts des SIG, dont il fait partie, a commencé à tester les applications open source les plus « évoluées », qui offraient un soutien de service à la clientèle basé sur les SIG au Québec. Selon M. Gignac, les applications open source les plus utiles et les plus efficaces étaient MapServer (un « moteur de carte » qui dirige les utilisateurs vers le contenu), OpenLayers (création de cartes dynamiques sur n’importe quelle page Internet), OGR-GDAL ou Geospatial Data Abstraction Library (deux bibliothèques qui permettent aux programmes logiciels d’écrire et de lire un grand nombre de formats SIG) et PostGIS (une extension d’un système de gestion de bases de données).

Cependant, le ministère de la Sécurité publique était – et demeure encore aujourd’hui – l’une des rares agences provinciales à utiliser des technologies open source (environ 10 pour cent, selon les estimations de M. Gignac). Seuls l’Institut national de santé publique du Québec, le ministère de la Culture et des Communications et une agence provinciale de l’agriculture utilisent le même code open source SIG – les autres ministères et les autorités locales ont opté pour des solutions propriétaires (certains ont développé un modèle hybride en interne en utilisant un code open source et un logiciel propriétaire).

Taipei, République populaire de Chine (Taïwan)

Entretemps, de l’autre côté de la planète, en République populaire de Chine (Taiwan), un pays vulnérable aux catastrophes naturelles, ArcGIS prend en charge la quasi-totalité des activités liées aux SIG mises en œuvre par le gouvernement. Le logiciel s’appuie sur le système d’information pour la gestion des situations d’urgence (Emergency Information Management System) géré par l’agence nationale de lutte contre les incendies.

La république de Chine a fait face à des épidémies (le syndrome respiratoire aigu sévère a fait près de 40 victimes), des tremblements de terre (le tremblement de terre de 1999 a fait quelque 2 400 victimes) et est confronté à des typhons tous les ans.

La décision de demander à ESRI de modifier le logiciel a été prise assez rapidement, a dit Wei-sen Li, secrétaire exécutif adjoint du Centre national de sciences et de technologie pour la réduction des catastrophes naturelles (National Science & Technology Centre for Disaster Reduction), un organe consultatif quasi-gouvernemental basé à Taipei, la capitale.

Pour Taipei, les solutions open source ne semblaient pas stables ou suffisamment solides pour gérer la complexité des ensembles de données (120 à ce jour) de cette île vulnérable aux catastrophes naturelles. « ArcGIS est suffisamment puissant pour effectuer les calculs et intégrer [les données] dans l’imagerie satellitaire, ce qui est impossible avec Sahana », a dit M. Li, en référence au logiciel ouvert de gestion des catastrophes naturelles développé au Sri Lanka, l’un des pays les plus gravement touchés par le tsunami provoqué par le tremblement de terre dans l’océan Indien en 2004.

Étant donné le nombre limité d’utilisateurs (100) bénéficiant d’un droit d’accès à ArcGIS, logiciel diffusé sous licence, à Taiwan, les gouvernements locaux utilisent leur propre logiciel commercial de gestion des catastrophes naturelles (la réduction des risques de catastrophes naturelles et la réponse sont décentralisées à l’échelle de l’île), tandis que des ONG et des groupes de recherche ont été formés à l’utilisation de Sahana.

Les capacités de Sahana sont « impressionnantes », selon M. Li. Le logiciel permet le suivi des travailleurs et des bénévoles à l’intervention d’urgence, la gestion des inventaires d’urgence et des donations, la cartographie des points névralgiques, l’enregistrement des victimes de catastrophes naturelles et la remontée d’information sur les personnes disparues, la gestion du triage des dossiers et le suivi des projets d’aide humanitaire. Cependant, les solutions logicielles commerciales bénéficient d’un plus grand soutien du privé (ce qui n’est pas le cas de la communauté OS), particulièrement pendant les catastrophes, lorsque les erreurs et les « données instables » peuvent avoir des conséquences meurtrières, a-t-il dit.

Les clients d’ESRI ont accès à une ligne téléphonique d’assistance accessible gratuitement 24 heures sur 24.

M. Crowley de l’Initiative humanitaire de Harvard a dit que le marché des technologies de gestion des catastrophes naturelles est encore dominé par le secteur privé (aux États-Unis, près de 40 logiciels sont utilisés pour gérer le service d’urgence 911). Il a noté un déplacement significatif vers les plateformes ouvertes, comme l’équipe humanitaire d’Openstreetmap, qui crée et propose des données géographiques disponibles gratuitement pour soutenir les efforts d’aide d’urgence aux quatre coins du monde.

« Les gens font confiance à ce qu’ils connaissent et il faut du temps pour construire la confiance », même si le développement des technologies ouvertes relatives à la gestion des catastrophes naturelles a progressé à un rythme sans précédent, a dit M. Crowley.

Centre asiatique de préparation aux catastrophes naturelles (Asian Disaster Preparedness Centre, ADPC), Bangkok

En 2010, l’ADPC a choisi le logiciel Sahana pour mettre en place un portail régional faisant l’inventaire des initiatives de réduction des risques de catastrophes (DRR) dans la région Asie-Pacifique. L’ADPC cherchait un logiciel bon marché pour extraire des informations issues de plusieurs sources de données. « La grande innovation apportée par Sahana, c’est qu’il est peu coûteux et facile à mettre en place », a dit Bill Ho, responsable de l’unité information, communication et technologie de l’ONG.

Le premier objectif du portail était de permettre le partage d’informations relatives aux projets régionaux et multi-pays de DDR, y compris le portail d’information du ministère de la Protection sociale, des Secours et de la Réinstallation du Myanmar.

Après une période d’installation de six mois, l’ADPC sous-traite désormais la maintenance à des consultants. « Cela a été un défi », a dit M. Ho. « Il est difficile de trouver des personnes qualifiées et les capacités de Sahana en matière de ressources humaines sont faibles, donc nous dépendons des consultants. Il n’y en pas en Asie du Sud-Est ».

M. Crowley de l’Initiative humanitaire Harvard a dit que les besoins variés, les capacités et les points de départ en termes de préparation aux catastrophes naturelles et de réponse veulent dire qu’« il y aura un équilibre entre les solutions OS et les solutions propriétaires, chacune devant trouver sa niche ».

pt/cb-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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