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Les villes arabes cherchent à renforcer leur résilience face aux catastrophes naturelles

Children play in the flooded streets of Sana'a, the Yemeni capital, while the government fails to harvest the precious rainwater Annasofie Flamand/IRIN
Children play in the flooded streets of Sana'a, the Yemeni capital
Mieux vaut prévenir que guérir, dit le dicton. Pourtant, jusqu’à présent, les autorités des villes et des villages arabes ont surtout cherché à faire face aux catastrophes naturelles après leur survenue.

« Nous réagissons aux catastrophes sans aucune planification : nous nous contentons d’y répondre. Il est pourtant évident qu’on ne peut faire ce qu’il faut sans un minimum de planification », a dit à IRIN Abdulmalek Al-Jolahy, premier vice-ministre yéménite des Travaux publics et des Routes.

Les experts de la prévention des catastrophes estiment toutefois que la région a fait un pas dans la bonne direction au  mois de mars dernier avec la finalisation de la version officielle de la Déclaration arabe sur la réduction des risques de catastrophes dans les villes.

« Nous voulons des objectifs modestes et atteignables pour améliorer la RRC [réduction des risques de catastrophes] dans les villes arabes », a dit Zubair Murshed, conseiller régional en matière de RRC auprès du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Caire, à l’occasion de la première conférence régionale sur le sujet, qui s’est tenue en mars à Aqaba, en Jordanie.

Les maires et les représentants d’une quarantaine de villes et de villages de la région, incluant Aqaba, Gaza, Mogadiscio et Tunis, ont rédigé un accord provisoire reposant sur des engagements non contraignants qu’ils comptent mettre en œuvre au cours des cinq prochaines années. La version définitive de l’accord a été adoptée en avril à la suite de nouvelles consultations.

Les villes participantes se sont notamment fixé comme objectifs de consacrer au moins 1 pour cent de leur budget annuel à la RRC, de préparer un rapport d’évaluation des risques afin de mieux planifier le développement urbain et de mettre en œuvre au moins une loi destinée à améliorer la sécurité.

Les responsables arabes ont décidé de se rencontrer à nouveau en 2015, mais aucun mécanisme formel n’a été mis en place pour évaluer les progrès réalisés.

Pour les habitants de la région, l’accord, s’il est respecté, représentera un pas important dans la réduction des risques, notamment ceux liés aux crues éclair, aux glissements de terrain, aux tremblements de terre, aux tsunamis, aux sécheresses, aux tempêtes de sable et aux cyclones tropicaux. Plus de 55 pour cent d’entre eux vivent dans des zones urbaines.

Urbanisation rapide

La croissance démographique dans le monde arabe est l’une des plus rapides au monde. La population des villes a presque quadruplé depuis 1970 et on s’attend à ce qu’elle soit multipliée par deux d’ici 2050, selon le rapport 2012 sur l’état des villes arabes du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (UN-HABITAT).

Aléas naturels qui menacent les villes arabes :
Crues éclair
Glissements de terrain
Tremblements de terre
Tsunamis
Sécheresses
Tempêtes de sable
Cyclones tropicaux
« L’environnement et la richesse de la région sont de plus en plus concentrés dans un petit nombre de villes extrêmement vulnérables. Plusieurs de ces communautés sont exposées à des risques multiples », a dit Djillali Benouar, directeur du Laboratoire de recherche sur l’environnement bâti de l’Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene, en Algérie.

« Au cours des dernières décennies, de nombreuses catastrophes ont surtout affecté les zones urbaines. Ces zones rassemblent une forte concentration de personnes qui dépendent largement des infrastructures et des services. »

Le problème a été aggravé par l’afflux de personnes déplacées par les conflits, qui s’installent souvent sur des terres considérées comme à risque – des plaines inondables ou des collines instables. Par ailleurs, dans une région où 87 pour cent du territoire est considéré comme désertique, les centres urbains jouent un rôle vital dans l’économie. Ainsi, une catastrophe qui survient dans une grande ville prend rapidement une ampleur nationale.

« Plusieurs de ces villes représentent à elles seules l’ensemble du pays. On n’a qu’à penser à Djibouti, au Caire ou à Beyrouth. Il n’y a qu’un seul aéroport civil important au Liban et il est situé à Beyrouth », a dit M. Murshed, du PNUD, ajoutant que plusieurs de ces villes sont situées sur des failles sismiques importantes.

La destruction passée de villes comme Damas, Alep, Alger et Alexandrie témoigne de la menace potentielle que représentent les tremblements de terre.

Selon les experts de la gestion des risques, la région arabe a relativement eu de la chance au cours du dernier siècle. Il y a pourtant eu plus de 270 catastrophes et au moins 150 000 morts au cours des trente dernières années.

Si les aléas naturels ne peuvent être évités, une bonne RRC peut cependant faire la différence entre un événement qui paralyse la croissance pendant plusieurs années ou qui engourdit la ville pendant quelques mois seulement.

« Les villes et les gouvernements locaux pourront réellement réduire le risque global s’ils décident de s’attaquer à ces problèmes », a dit Margareta Wahlström, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la RRC.

La devise : être prêt

Les aléas naturels peuvent devenir des catastrophes lorsqu’ils frappent des communautés vulnérables qui y sont mal préparées. Les villes peuvent cependant mieux se préparer en mettant en place des systèmes d’alerte précoce, en créant des institutions et des infrastructures leur permettant de mieux faire face aux catastrophes et en dressant un tableau précis des risques auxquels elles sont confrontées.

au mois de mars dernier, Aqaba, en Jordanie, a été reconnue comme étant la première « ville modèle » des Nations Unies pour la RRC. La ville portuaire a en effet mis en œuvre un certain nombre de mesures pour réduire les risques.

Un conteneur installé dans un coin de l’école secondaire pour garçons d’Aqaba sert de base au Neighbourhoods Disaster Volunteers, un groupe de volontaires prêt à intervenir en cas de catastrophe. À l’intérieur, les étagères sont remplies de trousses de premiers soins, de pioches, d’outils électriques, de gilets réfléchissants et d’autres articles qui sont régulièrement inspectés par les volontaires.

« Notre équipe doit être prête à intervenir 24 heures sur 24 pour aider la population et atténuer les conséquences des catastrophes. La préparation permet de faire face à n’importe quelle catastrophe », a dit Nouh Al-Khattab, l’un des volontaires.

Le groupe organise régulièrement des exercices pour s’entraîner à intervenir en cas de catastrophe, a indiqué Khaled Abu Aisha, chef de l’unité de RRC de l’Autorité de la zone économique spéciale d’Aqaba (ASEZA).

« Les volontaires sont des gens comme vous et moi : des femmes, des hommes, des jeunes, des employés, des gens normaux qui vivent dans le quartier. Nous nous réunissons deux fois par mois. »

Les trois principales villes de la Jordanie (Amman, Zarqa et Irbid) – qui rassemblent plus de 70 pour cent de la population du pays – sont situées à 30 kilomètres ou moins de la faille de la mer Morte, qui sépare la plaque arabique de la plaque africaine.

La ville d’Aqaba est elle aussi située près d’une ligne de faille. En 1995, un séisme de magnitude 7,3 a tué au moins huit personnes et endommagé des bâtiments dans l’ensemble de la ville. La région aurait par ailleurs connu quelque 50 séismes majeurs au cours des 2 500 dernières années.

En 2006-2007, le PNUD a aidé l’ASEZA à mener une évaluation des risques sismiques dans la ville afin d’identifier les faiblesses.

Si les tremblements de terre sont un phénomène naturel qui n’a pas de lien avec l’activité humaine, les normes de construction peuvent cependant faire une grosse différence au niveau de l’ampleur de la catastrophe. Comme l’a indiqué Jalal Al-Dabeek, directeur du Centre de planification urbaine et de RRC de l’Université nationale An Najah, en Palestine : « Ce sont les bâtiments qui tuent les gens, pas les tremblements de terre. »

« Le problème, jusqu’à présent, c’est qu’il n’y a pas d’exigences minimales. La réalité, c’est que la construction dans le monde arabe est loin des normes minimales. »

Des ingénieurs et des responsables sont en train de mettre au point un code du bâtiment pour l’ensemble de la région arabe, mais il faudra ensuite élaborer des règlements à l’échelle nationale et les faire appliquer dans la pratique.

Pendant ce temps, les experts de la gestion des risques craignent que la plupart des villes arabes continuent de n’être pas du tout préparées.

« Nous sommes très préoccupés. De nombreuses villes comme Aqaba sont préparées, mais d’autres ne le sont pas vraiment, et c’est inquiétant », a dit à IRIN Shahira Wahbi, directrice du département du développement durable et de la coopération internationale de la Ligue des États arabes.

Crues éclair

Les inondations survenues en 2009 à Jeddah, en Arabie Saoudite, ont mis en lumière le danger de la construction anarchique sur les lits de rivières asséchées (wadis). Plus de 150 personnes sont mortes à la suite d’une averse soudaine (90 mm de pluie en l’espace de quatre heures, soit le double des précipitations annuelles moyennes).

« La population n’est pas préparée. Personne n’en parle. Ce sera la panique. Des gens seront tués »
Plusieurs des victimes de Jeddah étaient des travailleurs migrants qui vivaient dans des quartiers pauvres bâtis dans les wadis. Un carrefour autoroutier situé dans l’un des wadis a également été submergé, tuant du même coup les chauffeurs des véhicules qui s’y trouvaient et provoquant des dégâts matériels considérables.

En 2010, le quartier Al-Shallaleh, à Aqaba, qui est bâti près d’un wadi, a été affecté par des crues éclair qui ont fait plusieurs victimes. L’ASEZA a décidé de déplacer les 5 000 résidents : 700 familles ont été réinstallées dans un nouveau développement domiciliaire à Al-Karamah et les autres se sont vu offrir des terrains vacants et des indemnités.

La prévention des inondations nécessite souvent d’importantes dépenses. Trois vallées convergent vers la ville portuaire d’Al-Mukalla, la capitale du gouvernorat yéménite de Hadhramaut, créant du même coup les conditions parfaites pour des inondations fréquentes. Les résidents ont creusé un canal de 600 mètres qui traverse le centre-ville pour permettre l’écoulement des eaux dans l’océan.

Résilience des villes

En 2010, la Stratégie internationale des Nations Unies pour la RRC (UNISDR) a lancé la campagne « Rendre les villes résilientes » pour encourager les municipalités locales à mieux se préparer et à mettre en place des programmes de RRC.

Parmi les 1 419 villes et villages qui ont décidé d’adhérer au projet, environ 270 sont situés dans le monde arabe, presque tous au Liban, où 87 pour cent de la population vit dans les zones urbaines. En février, Naplouse est devenue la première ville palestinienne à participer à la campagne de renforcement de la résilience.

Dans l’ensemble toutefois, les experts de la RRC estiment que la plupart des villes arabes continuent d’accorder la priorité à d’autres problèmes plus concrets comme les pénuries d’eau et la sécurité. Ainsi, souvent, elles ne sont pas du tout préparées à des catastrophes majeures, comme les séismes, malgré l’impact dévastateur qu’elles peuvent avoir.

« La population n’est pas préparée. Personne n’en parle. Ce sera la panique. Des gens seront tués, et ce ne sera pas seulement à cause du tremblement de terre et des choses qui tombent, mais aussi parce qu’ils ne sauront pas quoi faire et qu’ils paniqueront », a dit à IRIN M. Benouar, de l’Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene, en Algérie.

jj/cb-gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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