1. Accueil
  2. Middle East and North Africa
  3. Syria

La sécheresse fait chuter la production de blé et menace les subventions sur le pain

Basile le boulanger n’est pas content.

« Tout est plus cher, aujourd’hui, et ça ne va pas s’arranger », explique-t-il, entre la pâte à pain et les fours de sa boulangerie de Shalan, un quartier de classe moyenne de Damas.

La commercialisation de vivres bon marché est une des pierres angulaires de la politique économique nationale en Syrie.

Le Syrien moyen et les analystes doutent néanmoins de plus en plus que le pays puisse continuer d’être relativement préservé de la crise alimentaire mondiale qui a déjà déclenché des émeutes dans plus de 30 pays, dont l’Egypte, dirigée par un gouvernement autoritaire socialiste semblable.

Le gouvernement exerce un contrôle important sur le prix des denrées alimentaires en réglementant la commercialisation, l’importation et l’exportation de la production agricole, mais le secteur agricole a été en partie libéralisé, et les prix des vivres ont augmenté de 20 pour cent au cours des six derniers mois, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

Les conséquences de la réduction des subventions sur les carburants

La pression exercée sur le prix des denrées alimentaires s’est aggravée lorsque les subventions sur les carburants ont été réduites, au début du mois de mai, multipliant le prix de l’essence par trois du jour au lendemain.

La diminution des revenus pétroliers et le déficit fiscal béant du pays ont en effet forcé le gouvernement à lancer un programme de réduction des subventions sur les carburants, qui absorbent actuellement environ 15 pour cent du Produit intérieur brut (PIB).

Mais « la réduction des subventions est intervenue au pire moment pour le citoyen syrien », a estimé Safi Sunjaa, économiste au Centre économique syrien.

Le gouvernement cherche actuellement à atténuer certaines des répercussions les plus graves de la réduction des subventions. En mai, les salaires et les pensions de retraite du secteur public, qui s’élèvent en moyenne à 130 dollars par mois pour deux millions de travailleurs et de retraités, ont été augmentés de 25 pour cent. Le gouvernement distribue également aux familles des bons d’achat de mazout domestique et verse des indemnités aux maillons clés de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, tels que les boulangers, pour compenser la hausse des coûts d’énergie.

Ces mesures ont eu un succès inégal, selon les économistes, bien que la plupart d’entre elles ne profitent pas aux 1,5 million de réfugiés irakiens que compte la Syrie (selon les estimations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 150 000 réfugiés s’inscriront pour bénéficier de la prochaine distribution alimentaire du PAM, soit une augmentation de 22 000 depuis mars).
 Pour les citoyens syriens, la situation est difficile, mais on ne peut pas parler de crise.

« Les gens ont des stratégies pour faire face aux prix élevés, à ce niveau : ils vendent des biens, réduisent leur consommation, prennent un emploi en plus ; ils s’en sortent », a expliqué Mohammed Wardeh, consultant indépendant dans le secteur du développement agricole et rural.


Photo: Rory Fyfe/IRIN
Des automobilistes font la queue devant une station d’essence, à Damas. La pression exercée sur le prix des denrées alimentaires s’est renforcée lorsque les subventions sur les carburants ont été réduites, au début du mois de mai, multipliant le prix de l’essence par trois du jour au lendemain.
Un pays normalement autonome en blé


Le filet de sûreté du pays est assuré en bonne partie par la commercialisation de pain subventionné, à laquelle le ministre des Finances Muhammad al-Hussein lui-même s’est engagé à veiller en avril, qualifiant le prix du pain de « ligne rouge » [à ne pas dépasser].

Le prix d’autres produits de base, tels que le riz, étant monté en flèche, les populations pauvres consomment désormais davantage de pain « standard » subventionné, vendu à prix fixe dans les boulangeries publiques. Or, les prix du blé dans le monde ayant augmenté de 83 pour cent cette dernière année, l’approvisionnement national est aujourd’hui critique. « Jusqu’ici, la Syrie n’a pas souffert de la crise alimentaire car elle est autonome en blé », a expliqué Safi Sunjaa.

La sécheresse touche la production de blé

Mais l’autosuffisance en blé est menacée par la sécheresse grave qui a frappé les principales régions productrices de blé du pays, situées dans le nord-est, au cours des deux dernières années.

« La Syrie souffre énormément, surtout cette année », a déclaré Haitham al-Ashkar, directeur de recherche adjoint au Centre national des politiques agricoles (NAPC), une cellule de réflexion rattachée au ministère de l’Agriculture. « Il est évident, selon les informations [que nous recevons], que ces conditions climatiques vont perdurer ».

La récolte de blé de cette année est estimée à environ 2,5 millions de tonnes, soit 1,5 million (près de 40 pour cent) de moins que l’année dernière.
Il s’agit du rendement le plus faible depuis les sécheresses de la fin des années 1980, époque à laquelle la Syrie était devenue importateur net de blé.
Les écologistes locaux observent en outre un cycle de sécheresse de plus en plus régulier. ?

« La sécheresse est une conséquence du réchauffement climatique », selon Samir Safadi, président de la Syrian Environment Organisation, la première organisation non-gouvernementale (ONG) syrienne de protection de l’environnement. M. Safadi a rejeté l’idée que la sécheresse de cette année s’inscrirait uniquement dans le cadre du cycle habituel. « Avant, le cycle de sécheresse se reproduisait tous les 55 ans, puis tous les 27, puis tous les 13, puis tous les 7-8 [ans] ».

La consommation nationale de blé s’élève à environ quatre millions de tonnes par an, ce qui signifie que le gouvernement devra puiser dans ses réserves, et à terme, commencer à importer, pour assurer l’approvisionnement de ses populations en farine bon marché, pour la production du pain.

Nul ne sait précisément de combien de blé le gouvernement dispose dans ses réserves, mais selon les estimations de M. Wardeh, consultant en développement rural, il y en aurait environ cinq millions de tonnes : « A moins que nous n’améliorions nos systèmes d’irrigation, dans deux ou trois ans, nous serons confrontés à une crise grave ».

Selon le ministère de l’Agriculture, néanmoins, rien n’a été prévu pour augmenter le nombre de champs de blé irrigués, qui représentent environ 50 pour cent de l’ensemble des champs de blé. « La disponibilité de l’eau est la première contrainte en matière de déploiement des systèmes d’irrigation », selon M. al-Ashkar. L’accent est donc mis, au contraire, sur l’utilisation de la technologie pour améliorer la productivité.

Moins de fourrage pour nourrir les bêtes


Photo: Martina Fuchs/IRIN
Le pain est un élément de base du régime alimentaire des Syriens
Plus encore que le blé, l’orge a lui aussi souffert de la sécheresse, cette année, les pertes de récolte atteignant 90 pour cent, selon les estimations de certains économistes. Celles-ci ont eu de lourdes conséquences dans le secteur de l’élevage, le fourrage dont se nourrissent les bêtes étant à 60 pour cent composé d’orge. Un grand nombre de petits éleveurs ont donc dû cesser leurs activités. Le NAPC envisage actuellement la création de fourrages alternatifs, composés par exemple de paille enrichie en nutriments.

À court terme, le défi immédiat que doit relever le gouvernement consiste à augmenter l’approvisionnement public en céréales essentielles, soit en achetant une plus grande partie de la production nationale, soit en important, tout en tentant de combler le déficit budgétaire, qui a doublé pour passer à 10 pour cent du PIB en 2007.

Quoi qu’il en soit, « le gouvernement continuera de fournir des produits alimentaires de base à prix réglementé », a promis un représentant du ministère de l’Economie.

Bien qu’il s’attende à ce que le gouvernement fasse « le nécessaire » pour assurer un approvisionnement en vivres à prix abordables, un expert international a déclaré à IRIN, sous couvert de l’anonymat, qu’il prévoyait que les subventions alimentaires deviendraient « plus ciblées » à mesure que le gouvernement lutte pour parvenir à un équilibre entre les différents défis de plus en plus contradictoires auxquels il se trouve confronté.

afs/cb/nh/vj


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join