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Craintes de représailles à la suite d'attaques « islamistes » dans l'est de la RDC

The main road in Beni, eastern DRC Jessica Hatcher/IRIN
« Il y a huit mois, personne n'avait entendu parler d'Al-Shabab », a dit Henri Ladyi, expert en désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et directeur du centre de résolution des conflits (CRC) de Beni, une ville et un territoire de la province du Nord-Kivu, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).

M. Ladyi craint que les rumeurs relatives à l'emprise du groupe islamiste somalien sur Beni, qu'elles soient fondées ou non, n'anéantissent les progrès enregistrés ces dernières années par le CRC. Les Nations Unies et les autorités congolaises et ougandaises ont établi des liens entre Al-Shabab et les Forces démocratiques alliées (ADF-Nalu) - un groupe rebelle ougandais agissant dans la chaîne du Ruwenzori, de l'autre côté de la frontière congolaise. Les représentants de la société civile de Beni estiment que cela explique le regain d'activité de l'ADF-Nalu.

Fin septembre, le groupe a tué cinq personnes sur le territoire de Beni et en a kidnappé 36 autres, selon Radio Okapi, une radio des Nations Unies. Des témoins rapportent que les rebelles se sont rendus dans un centre médical où ils ont terrorisé les patients avant de ligoter et d'enlever deux infirmières.

Le 25 septembre, Martin Kobler, directeur de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), a condamné les attaques des groupes armés - dont l'ADF-Nalu - contre les infrastructures de santé et les écoles.

Il a déclaré que la vague d'attaques qui a frappé le pays au mois de juillet a « privé plus de 7 000 enfants de scolarité et perturbé la fourniture de soins médicaux de milliers d'autres ».

Toujours en juillet, des combattants de l'ADF-Nalu ont pris en embuscade un convoi de la MONUSCO et assailli la ville de Kamango pendant deux jours, provoquant le déplacement de dizaines de milliers de personnes.

Liens entre l'ADF-Nalu et les militants islamistes


« Il semblerait que [l'ADF-Nalu] se prépare à une attaque », a dit Kristof Titeca, expert en groupes armés et directeur de recherche aux universités de Gand et d'Anvers. Il pense que l'ADF-Nalu s'attend à une attaque de la nouvelle brigade d'intervention de la MONUSCO.

Le responsable de la MONUSCO à Goma, Ray Torres, a récemment dit à Voice of America que l'ADF-Nalu était en train « de s'établir et de renforcer sa position dans le nord du pays. Et il semblerait qu'ils soient en train de planifier des opérations contre les FARDC [l'armée congolaise] ». Il a également décrit l'ADF-Nalu comme jouissant « d'un ancrage idéologique très fort. C'est un groupe islamiste extrémiste qui développe un réseau de commerces laissant entendre qu'il a l'intention de rester ».

Les autorités ougandaises ont affirmé à diverses reprises que l'ADF-Nalu entretenait des liens avec Al-Shabab et Al-Qaida.

« L'Ouganda et d'autres pays, pour des motifs géostratégiques, amplifient et exagèrent souvent la menace [d'Al-Shabab]. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de liens entre l'ADF-Nalu et Al-Shabab - il en existe, mais ils sont mineurs et sporadiques », a dit M. Titeca.

Certains analystes mettent en garde contre la tendance à réduire l'ADF-Nalu à sa seule composante islamiste ougandaise et soulignent qu'il compte de nombreux membres congolais mus par des revendications locales.

Tensions entre chrétiens et musulmans


L'emprise présumée de militants islamistes étrangers sur ces régions frontalières reculées suscite néanmoins des tensions. « La communauté musulmane est en colère, car elle est la victime [de cette situation] », a dit M. Ladyi.

Il a expliqué que les musulmans faisaient l'objet d'une surveillance rapprochée et que la police avait procédé à des arrestations injustifiées. « La société civile a accusé la communauté musulmane à Beni de recruter des musulmans et de les envoyer en Somalie pour être entraînés ». Selon M. Ladyi, on reproche également aux dirigeants musulmans d'avoir permis à des responsables de l'ADF-Nalu de prier à la mosquée.

À Beni, l'opinion publique est divisée par l'implication d'Al-Shabab, et balance régulièrement entre les déclarations des responsables gouvernementaux des deux côtés de la frontière et celles des Nations Unies. Dans le même temps, la conjecture et les preuves indirectes alimentent le gros du débat à l'échelle locale. Les dirigeants s'accordent sur un point : il n'existe aujourd'hui aucune preuve formelle, et les spéculations sont préjudiciables.

« Il n'y avait jamais eu de tensions ethniques entre chrétiens et musulmans auparavant », a dit Jean-Paul Paluku, éminent activiste de la société civile à Beni et coordinateur d'un groupe oeuvrant à la défense des droits de l'homme. Cette année a été caractérisée par des déplacements massifs de population et une insécurité généralisée, notamment des enlèvements, des viols et des vols armés.

M. Paluku a dit que certains de ces crimes auraient été commis par des milices Maï-Maï qui se seraient fait passer pour des musulmans pour tenter de faire porter le blâme à l'ADF-Nalu.

Mussa Anguandia, le chef de la communauté musulmane à Beni, estime à 35 000 le nombre de musulmans sur le territoire, dont la population était estimée à 900 000 en 2004.

Il est catégorique sur le fait que les groupes armés agissant à Beni ne sont pas de vrais musulmans. Lorsque Kamango a été assaillie pendant le ramadan, des hommes armés portant des tuniques jusqu'aux chevilles et des calottes ont volé de l'alcool dans les magasins. « Ce n'est pas un problème d'islam, c'est un problème de manouvre politique », a-t-il dit. M. Aguandia tente de combattre les perceptions négatives en discutant des préceptes de l'islam à la radio locale et en adoptant une approche proactive vis-à-vis des services de sécurité locaux. Il rencontre régulièrement les chefs de la police et de l'armée pour discuter de mesures permettant de faire face aux attitudes négatives.


M. Aguandia craint que la discrimination raciale suscitée par la récente vague d'enlèvements et d'attaques puisse conduire à une révolte. « Nous ne sommes pas beaucoup, mais nous pouvons répondre », a-t-il dit.

M. Ladyi reconnaît que le problème, s'il n'est pas pris en charge, pourrait entraîner la création d'une nouvelle milice d'autodéfense ou pousser la communauté à rechercher la protection de groupes existants, comme l'ADF-Nalu. « La communauté musulmane ne reçoit pas de soutien du gouvernement pour sa sécurité », a-t-il dit. « Si le gouvernement ne peut pas régler la situation, les musulmans se chargeront eux-mêmes de leur sécurité. »

Enlèvements


Une vague d'enlèvements continue de frapper la population, tant les chrétiens que les musulmans. Au cours des six premiers mois de cette année - ce qui correspondrait à la période d'implication d'Al-Shabab selon la communauté -, les représentants de la société civile ont dénombré plus de 500 enlèvements, touchant toutes les tranches de la population. Il s'agirait de recrutements forcés dans la plupart des cas, mais des rançons ont aussi été réclamées. Un expert en démobilisation ayant participé aux négociations a dit que les rançons réclamées par l'ADF-Nalu pouvaient atteindre jusqu'à 2 000 dollars et que le groupe avait kidnappé quelques citoyens influents, dont trois prêtres.

La situation est extrêmement préoccupante et il n'existe pas de solution immédiate, a dit M. Ladyi, qui a lui-même échappé de peu à un recrutement forcé il y a dix ans et contribué à la démobilisation de plus de 4 000 combattants au cours des deux dernières années.

Controverse autour de l'amnistie

À l'heure actuelle, un certain nombre de militants de l'ADF-Nalu souhaitent se démobiliser et retourner en Ouganda, mais ils sont coincés par une controverse politique sur les conditions de l'amnistie, a dit M. Ladyi. Jusqu'à présent, le processus d'amnistie s'est révélé compliqué avec l'ADF-Nalu. L'organisation non gouvernementale (ONG) International Crisis Group fait état de l'échec des pourparlers en 2001, puis en 2007, bien que ces derniers aient abouti à la démobilisation de quelque 200 combattants. La Commission d'amnistie de l'Ouganda a ouvert des bureaux à Beni en 2005 en collaboration avec la MONUSCO (alors MONUC).

Mais en 2006, pas un seul membre de l'ADF-Nalu ne s'était présenté aux bureaux de la commission et la MONUSCO envisageait de les fermer. En 2008, l'ADF-Nalu a souhaité réengager les négociations, qui ont dû être repoussées en raison de la rébellion du CNDP (pro-Tutsis). Elles n'ont finalement repris qu'en 2009, dans une tentative du gouvernement ougandais de gagner du temps de crainte que la démarche de l'ADF-Nalu soit purement intéressée. Trois cents personnes ont été écartées pour avoir réclamé frauduleusement le pack réservé aux bénéficiaires de l'amnistie, consistant, selon les médias locaux, en 263 000 shillings ougandais, un matelas et des ustensiles ménagers de base.

« D'un point de vue politique, le processus n'était pas très bien organisé. Ceux qui ont bénéficié de l'amnistie n'ont pas livré de témoignages convaincants à leur retour en Ouganda. La MONUSCO et la Commission d'amnistie ougandaise ont mis sur pied une campagne de sensibilisation incitant les combattants à prendre part au processus d'amnistie. De nombreux problèmes ont affecté les conséquences du processus. Le manque de temps et la situation politique et sécuritaire en Ouganda ont empêché le succès du processus », a dit M. Ladyi, qui est en attente des prochaines mesures du gouvernement ougandais.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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