« Je me suis faufilée entre les cadavres et les blessés qui criaient à l’aide et avaient désespérément besoin de soins », a déclaré à IRIN Mme Bahgat, 29 ans, dentiste de profession. « J’entendais des explosions et des tirs au-dessus de ma tête. La plupart du temps, je craignais pour ma vie ».
Tandis que les autorités et les partisans de l’ancien président s’affrontaient, les secouristes, le personnel médical et les bénévoles tentaient de porter secours aux milliers de blessés.
Selon le ministère de la Santé, environ 525 personnes ont été tuées, pour la plupart des partisans des Frères musulmans qui soutiennent Mohamed Morsi. Environ 3 572 autres personnes ont été blessées dans les affrontements et 43 policiers ont été tués, selon le ministère de l’Intérieur.
Les équipes de secours ont mis des heures à pouvoir atteindre le lieu de rassemblement principal. Pendant ce temps, la police tirait à balles réelles et utilisait des véhicules blindés contre les partisans du président déchu, qui ont également répliqué par des tirs.
« Il y avait des coups de feu de tous les côtés », a déclaré Ahmed Faleh, un secouriste rattaché au service d’ambulance égyptien. « Je savais pertinemment que des gens avaient besoin d’aide là-bas, mais je ne pouvais pas me rendre auprès d’eux à cause des violences ».
Tout au long de la journée, une bataille médiatique a fait rage sur les chaînes de télévision et sur Internet, chaque camp accusant l’autre de brutalités et décomptant le plus grand nombre de victimes parmi ses partisans.
À quelques centaines de mètres de M. Faleh, dans un hôpital de fortune installé sur la place, Magdy Abdel Hady, un partisan de Mohamed Morsi, tentait d’aider les médecins à soigner le nombre croissant de victimes.
Abdel Hady, la vingtaine, a vu les cadavres s’amonceler dans l’hôpital. Un homme qui se trouvait à trois mètres de lui a été touché à la tête et a succombé sur place, a-t-il déclaré à IRIN.
« Nous appelions à l’aide, mais les ambulances ne pouvaient pas se rendre sur la place », a-t-il dit. « Nous avons transporté certains blessés sur de longues distances pour atteindre les secours ».
Un de ses amis, Ahmed Gad, également sur les lieux, a déclaré que de nombreux manifestants auraient pu être sauvés si les secouristes avaient pu atteindre plus facilement l’endroit où se trouvaient les blessés. Il a vu des corps de partisans de Mohamed Morsi enveloppés d’un drap gisant sur le sol à l’intérieur de la mosquée Al Iman, près de la place Rabaa Al Adawiya.
« Certaines personnes auraient pu être sauvées », a déclaré M. Gad. « Elles auraient pu être sauvées s’il y avait eu quelqu’un pour les soigner ».
Manque d’impartialité des secouristes du Croissant-Rouge ?
Malgré les dangers, certains secouristes ont risqué leur propre vie pour faire leur travail, mais dans un climat de bipolarisation politique grandissante en Égypte, même les travailleurs humanitaires peuvent être accusés de partialité.
Le Croissant-Rouge égyptien a envoyé des équipes au cœur de l’action au Caire, mais plusieurs secouristes ont eu des réactions d’hostilité à leur égard.
Quand Mme Bahgat est arrivée à Rabaa Al Adawiya, la répression contre les partisans de Morsi faisait rage depuis longtemps. Elle a été la cible d’attaques verbales de la part des manifestants et des personnes dans les rues. Certains l’ont qualifiée, elle et son équipe, de « négligence », d’autres les ont accusés de « faire exprès » d’arriver en retard.
« Je pense que les gens ne prennent pas assez conscience du rôle des travailleurs humanitaires sur place », a déclaré Mme Bahgat.
M. Faleh a déclaré qu’il ne peut pas travailler sans être critiqué ou accusé de soutenir un parti ou un autre. Le 14 août, il a été accusé d’être de mèche avec les policiers quand il a transporté des blessés vers les hôpitaux voisins.
« Certains blessés ont eu peur de monter dans la voiture », a déclaré M. Faleh. « Ils ont dit qu’ils avaient peur d’être arrêtés. Les gens ont besoin de savoir que nous ne sommes pas du tout mêlés à la politique ».
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