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Établissement de normes pour le secteur de l’aide humanitaire

Kenya-Dadaab, August 2011. For generic use IHH Humanitarian Relief Foundation
Depuis quelques années, la communauté humanitaire traverse une période de remise en question, après l’échec de la protection des victimes du génocide au Rwanda, le manque de coordination qui a suivi le tsunami en 2004 et le scandale des échanges de faveurs sexuelles contre de la nourriture en Afrique de l’Ouest. Pourtant, les tentatives visant à établir des normes universelles et à certifier les organisations humanitaires sont hétérogènes et controversées.

Des acteurs de la communauté humanitaire internationale se sont rassemblés la semaine dernière à l’occasion du Humanitarian Standards Forum (Forum sur les normes humanitaires) à Genève, afin d’évaluer la réalité de la redevabilité humanitaire et de définir une marche à suivre.

Près de 200 hauts représentants de grandes organisations humanitaires ont débattu pour savoir si, et comment, des normes reconnues et des processus de certification pouvaient améliorer l’efficacité de l’aide humanitaire.

La création de normes universelles

Il y a une prolifération de normes au sein des organisations, a déclaré Matthew Carter, président du groupe directeur de l’Initiative pour des normes communes (Joint Standards Initiative, JSI), un processus de collaboration entre le Partenariat international pour la redevabilité humanitaire (Humanitarian Accountability Partnership, HAP), People In Aid et le Projet Sphère ; trois initiatives de normalisation majeures.

« Au cours des 20 dernières années, le secteur humanitaire s’est transformé en une entreprise pesant plusieurs milliards de dollars. Si le début des années 1990 a été marqué par une absence de normes, la situation actuelle illustre peut-être le problème inverse, avec plus d’une centaine d’initiatives normatives existantes dans le secteur humanitaire. Les agents sur le terrain, entre autres, éprouvent des difficultés à combiner et à appliquer l’ensemble des normes de façon efficace et complémentaire », a-t-il expliqué.

Le JSI a pour objectif d’harmoniser les normes de ses trois organisations membres. M. Carter affirme que d’ici le mois de juillet prochain, le groupe prévoyait de développer un nouveau noyau de normes humanitaires, doté de critères et d’indicateurs clairs, ainsi que des directives sur la façon d’utiliser ces outils, de les diffuser et d’assurer la formation des personnes concernées.

Pour l’instant, les normes établies par le Projet Sphère sont les plus connues et utilisées dans le monde. Le manuel Sphère est un guide volumineux qui couvre aussi bien les principes généraux de l’aide humanitaire que la dure réalité du travail humanitaire au quotidien - notamment des indications comme la ration d’eau quotidienne minimum par personne (entre 7,5 et 15 litres par jour) ou le nombre de latrines nécessaire dans un camp (une pour 20 personnes).

Les standards Sphère comprennent des engagements sur la responsabilité des donateurs comme des bénéficiaires. « Nous nous engageons, dit le texte, à travailler en partenariat avec la population touchée par une catastrophe, en mettant l’accent sur sa participation active aux interventions. Nous sommes conscients que c’est fondamentalement envers celles et ceux auxquels nous cherchons à venir en aide que nous sommes responsables ».

Les mécanismes de redevabilité améliorent-ils l’aide ?

Beaucoup d’organisations humanitaires ont adopté le concept du renforcement de la redevabilité, mais il est difficile de savoir si les normes et les mécanismes de redevabilité améliorent vraiment la qualité de l’aide apportée.

Wendy Fenton, coordonnatrice du Réseau de pratique humanitaire (Humanitarian Practice Network, HPN) de l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI) a soulevé cette question à Londres la semaine dernière, lors d’une réunion pour l’amélioration de l’action humanitaire.

« L’accent mis sur les normes et les mécanismes de redevabilité semble avoir parfois un impact néfaste sur la qualité des programmes humanitaires, car les personnes font tellement attention à respecter ces normes qu’elles ne voient que l’arbre qui cache la forêt. De plus, je ne sais pas si nous avons vraiment établi un lien entre le respect de ces normes et l’amélioration de la qualité des interventions », a-t-elle déclaré.

« Nous ne voulons vraiment pas ressembler à un milieu fermé et nous voulons accueillir les initiatives novatrices et différentes »
Les tentatives pour évaluer si ces mesures améliorent les services de l’aide humanitaire ne sont apparues que récemment.

Une étude récente a été réalisée par Andy Featherstone, consultant en recherche, sur l’efficacité des consultations et de l’engagement des communautés - un élément clé de nombreux mécanismes de redevabilité. Comme il n’a pas pu trouver de cas où les communautés n’étaient pas du tout consultées, il a effectué une comparaison entre les endroits où les mécanismes de redevabilité étaient bien établis et ceux où ces mécanismes venaient d’être introduits.

En observant les collectivités du Kenya qui reçoivent de l’aide grâce aux projets de Christian Aid et les communautés du Myanmar soutenues par l’ONG britannique Save the Children, M. Featherstone a trouvé des preuves timides en faveur de l’utilité de ces mécanismes dans l’amélioration de l’aide humanitaire.

Dans les endroits où sont appliqués les mécanismes de redevabilité, les bénéficiaires étaient capables de donner des conseils sur la façon de mieux cibler l’aide humanitaire et sur les meilleurs endroits pour se procurer des ressources bon marché, permettant ainsi aux projets de faire des économies. De plus, la satisfaction des destinataires était bien plus grande lorsqu’ils étaient étroitement associés à l’exécution des projets.

Selon M. Featherstone, « nous savons que les mécanismes de redevabilité peuvent contribuer à la qualité et à l’impact des projets, mais en même temps, nous savons que la pratique est irrégulière […] Maintenant, nous avons davantage de preuves. Nous pouvons être plus sûrs de nous. Nous savons que les mécanismes de redevabilité renforcent notre capacité à aider les personnes visées, donc il n’y a vraiment aucune excuse pour ne pas les utiliser ».

L’évaluation des humanitaires

Les normes et les mécanismes de redevabilité sont relativement peu critiquables en comparaison avec une autre mesure proposée : la certification des organisations humanitaires.

La certification permettrait aux pouvoirs publics et aux communautés de déterminer quelles sont les organisations renommées, fiables et efficaces. Mais si le HAP propose une certification aux organisations humanitaires depuis 2007, il y aujourd’hui seulement 16 organisations sur sa liste.

« Beaucoup d’organisations humanitaires souscrivent et sont membres du HAP, mais rares sont celles qui ont franchi toutes les étapes pour bénéficier de la certification HAP. Nous voulons comprendre pourquoi et ce qui pourrait nous faire avancer », affirme Philip Tamminga, coordinateur du projet de certification du Comité directeur pour l’intervention humanitaire (SCHR)

Oxfam a pris publiquement position en faveur de la certification. « Nous sommes pour la certification. Nous voulons la soutenir. C’est un monde très compliqué ; il y a beaucoup de nouveaux intervenants », affirme Carsten Volz, directeur humanitaire d’Oxfam International. Malgré ce soutien, Oxfam n’a pas la certification HAP.

D’autres organisations humanitaires comme Médecins Sans Frontières (MSF) éprouvent une certaine méfiance vis-à-vis de la sélectivité et des implications politiques de la certification.

« Nous avons vraiment l’impression qu’il s’agit de qui fait partie du club et de qui est en dehors […] Si vous prenez le nord de la Syrie par exemple, certes, certaines de nos équipes issues du système traditionnel sont présentes, mais les principaux intervenants sont des acteurs locaux, des groupes de la diaspora ou des groupes militants. Peut-être qu’ils n’ont pas souscrit à ces principes humanitaires […], mais ils apportent une aide précieuse. Nous ne voulons vraiment pas ressembler à un milieu fermé et nous voulons accueillir les initiatives novatrices et différentes », a déclaré Sandrine Tiller de MSF.

« De plus, c’est un processus dirigé par les bailleurs de fonds, ne nous voilons pas la face. Les bailleurs favoriseront les entités certifiées. Comme vous le savez, beaucoup d’ONG sont accusées d’être un cheval de Troie au service des intérêts des bailleurs, donc cela en deviendrait en quelque sorte la preuve irréfutable. Lors des accords de Busan, la Chine, le Brésil et l’Inde ont déclaré “Oh, nous n’allons pas signer cela, car nous avons notre propre façon de faire”, donc je pense que la certification finira par être une liste des organisations préférées des gouvernements européens. »

Si M. Tamminga comprend que certaines organisations humanitaires ne soient pas intéressées par la certification, il insiste néanmoins sur son utilité.

« Si l’on considère d’autres initiatives comme le commerce équitable, a-t-il dit, vous ne pourrez pas faire en sorte que tous les producteurs de café du monde adhérent à des normes de pratique sociale et éthique. Mais une fois que vous avez atteint une certaine masse critique, par le simple fait que vous avez suffisamment travaillé en suivant cette ligne de conduite, vous commencez à influencer le comportement de l’ensemble du secteur ».

eb/oa/rz-fc/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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