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Trouver refuge ou prendre des risques

An Ivorian soldier patrolling in Saho village in the west of the country. The region is plagued by recurrent violence Olivier Monnier/IRIN
Les milliers de villageois qui font face à des violences sporadiques et à une insécurité généralisée dans l’ouest de la Côte d’Ivoire sont confrontés à un choix difficile : fuir leur village et trouver une famille d’accueil dans une ville plus grande et plus sûre, ou bien rejoindre les fermes où ils gagnent leur vie et prendre le risque d’être attaqués.

« C’est toujours la même chose. On entend des coups de feu, on part dans le bush avec nos enfants et on marche toute la nuit pour rejoindre [la ville de] Taï. Après deux ou trois jours sur place, on nous dit que la situation s’est calmée, alors on repart – et ça recommence », a dit Nathalie Kouakou.

Au début du mois de juin, Nathalie et toute sa famille ont fui leur maison du village de Tiele-Oula, situé à environ 20 km de la ville de Taï, attaqué à au moins six reprises au cours des dix derniers mois. « J’en ai assez », a dit Mme Kouakou à IRIN.

L’ouest de la Côte d'Ivoire est ravagé par l’insécurité et les conflits souvent alimentés par des tensions politiques et des rivalités ethniques entre les communautés autochtones et celles originaires d’autres régions, ainsi que par des problèmes liés à la propriété foncière.

Au moins 22 personnes, dont sept soldats de maintien de la paix des Nations Unies, ont trouvé la mort lors d’une embuscade que leur avaient tendue des hommes armés à l’ouest de la région de Taï le 8 juin. Selon les Nations Unies, c’est la pire attaque que les soldats onusiens aient subi en Côte d'Ivoire depuis 2004. Les autorités ivoiriennes ont rejeté la responsabilité de cette attaque sur des mercenaires venus du Liberia voisin et des Ivoiriens restés fidèles à l’ancien président Laurent Gbagbo.

Jusqu’à 13 000 personnes ont fui leur domicile suite à l’attaque, a indiqué Jocelyn Brousseau, une coordonnatrice du Conseil danois pour les réfugiés (Danish Refugee Council, DRC) pour l’ouest de la Côte d'Ivoire. Aucun camp n’a été installé pour accueillir les déplacés, qui se sont en général réfugiés chez des proches résidant dans des villes plus importantes. Certaines familles accueillent jusqu’à 20 personnes.

« Certaines personnes ont pris la fuite à six reprises », a dit Mme Brousseau. « Elles sont partagées entre l’envie de repartir pour travailler sur leur ferme, et la [peur] de mettre leur vie en danger [si elles rentrent] ».

Kossere Sadji, une autre villageoise qui a fui à Taï, a marché jusqu’à la ville avec sa mère âgée de 70 ans et a trouvé refuge dans la maison de l’adjoint au maire. Ce dernier a accueilli jusqu’à 50 personnes, dont la moitié sont déjà rentrées chez elles. « Il faudra bien que je rentre chez moi, car c’est ma maison, mais je n’ai pas envie d’y retourner pour l’instant – c’est trop dangereux », a dit Mme Sadji à IRIN.

Les soldats de la paix des Nations Unies et les troupes ivoiriennes ont renforcé leurs unités entre les villes de Taï et de Para, séparées de 40 km environ, afin de sécuriser les villages alentours. Les soldats de maintien de la paix disposent de trois bases et les troupes ivoiriennes sont stationnées dans les villages, d’où elles patrouillent dans la dense forêt qui longe la rivière Cavally à la frontière avec le Liberia.

Quelques villages de la région sont presque inhabités. Les fermiers qui ont pris la fuite souhaitent rentrer chez eux pour s’occuper de leurs plantations de cacao, de café, de caoutchouc et de riz. Dans de nombreux cas, les hommes sont restés dans le bush pour continuer à s’occuper de leur ferme, tandis que les femmes et les enfants se sont enfuis, a dit le Père Laurentin, qui dirige la mission catholique de Taï.

Kossere Sadji (centre, sitting upright) in the house of the deputy mayor of Côte d'Ivoire’s western Tai town where she sought refuge with other villagers after attacks in the restive region in June
Photo: Olivier Monnier/IRIN
Kossere Sadji (assise au centre) dans la maison du maire adjoint de la ville de Taï, située à l’ouest de la Côte d'Ivoire, où elle a trouvé refuge avec d’autres villageois après les attaques qui ont affecté cette région troublée en juin
« J’ai peur, mais il fallait que je retourne travailler sur ma ferme », a dit Pascal Sande, un riziculteur. « Si je ne rentre pas, tout va se dégrader ». Il a fui son village de Saho, où deux de ses voisins ont été abattus ; des hommes armés ont également pillé des maisons et volé 50 000 francs CFA (environ 100 dollars) dans sa maison.

Outre les violences, bon nombre de résidents disent craindre les tensions croissantes entre les différents groupes qui vivent dans la région. Les communautés de l’ouest de la Côte d'Ivoire et d’autres habitants se sont disputés des terres, principalement dans le nord du pays et au Burkina Faso voisin.

Certains habitants ont vendu leurs terres à des acheteurs originaires d’autres régions, mais les enfants des propriétaires d’origine prétendent que ces terres leur appartiennent toujours. La plupart des résidents locaux soutiennent l’ancien président Gbagbo, qui a été arrêté en avril 2011 après avoir refusé de reconnaître sa défaite aux élections nationales et avoir plongé le pays dans plusieurs mois de conflits sanglants.

Les Ivoiriens installés à l’extérieur de la région ouest de la Côte d'Ivoire sont perçus comme des partisans du président Alassane Ouattara, dont M. Gbagbo a refusé de reconnaître la victoire aux élections de novembre 2010. Les deux camps se sont accusés d’avoir alimenté les violences.

« La méfiance s’est installée entre les communautés », a dit le Père Laurentin. « Lorsque les étrangers se sont installés dans le village il y a 32 ans, nos relations étaient cordiales, mais depuis l’élection de M. Ouattara, ils se sentent plus forts », a dit Jean Gnonsoa, le chef du village.

Le climat de suspicion est difficile à supporter, a-t-il dit. « Les autochtones [populations locales] et leurs frères du Liberia ont organisé les attaques, car ils souhaitent reprendre les terres qu’ils nous ont vendues », a dit Salam Zongo, un producteur de cacao de Saho.

Dans les régions de Taï et de Para, la plupart des résidents appartenant à des groupes ethniques ont fui leur domicile après les attaques ; dans un village, seuls neuf habitants sur une population totale de 300 personnes avaient décidé de rester, a indiqué M. Gnonsoa.

Plus de 58 000 Ivoiriens ont trouvé refuge au Liberia, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Certains ont fui en raison des attaques répétées, d’autres ont eu peur des actes de représailles.

« Nous disons à nos enfants et à nos frères de revenir en Côte d'Ivoire, mais ils ont trop peur », a dit M. Gnonsoa. « Si un jeune homme revient, il sera suspecté d’appartenir à une milice ».

om/ob/he-mg/ag/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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