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Ne laisser aucun enfant sur le bord de la piste

Arrivés dès les premières heures du jour en charrette tirée par des ânes dans le village de Nima, à plusieurs heures de piste de Kaédi, dans le sud de la Mauritanie, le long du fleuve Sénégal, quelques volontaires du Croissant-Rouge mauritanien frappent à toutes les portes du village pour inviter les familles à faire dépister leurs enfants pour la malnutrition.

Equipés d’une toise, d’une balance et d’un brassard, les volontaires examinent les enfants, enregistrent les données, posent des questions aux accompagnants – souvent les mères - et réfèrent les enfants au centre de santé lorsque cela s’avère nécessaire.

Cette activité routinière est organisée de village en village depuis 2008. « On reste deux jours dans chaque village pour être sûr qu’on n’oublie aucune famille, même celles qui sont parties travailler dans les champs », a expliqué Samba Racine Diallo, superviseur de l’équipe de dépistage dans le périmètre de Nima.

Un véritable travail de fourmi, mais essentiel dans une zone où, selon la dernière enquête menée par le ministère de la Santé et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en juillet pour évaluer la situation nutritionnelle des enfants en période de soudure, les taux de malnutrition aigue globale atteignent 16,8 pour cent.

L’un des principaux objectifs de ces campagnes de dépistage au porte-à-porte, soutenues par la Croix-Rouge française, est donc de « récupérer tous les enfants » souffrant de malnutrition, a expliqué M. Diallo, y compris ceux qui sont encore au stade modéré. 

Des besoins qui dépassent les frontières mauritaniennes

A une dizaine de kilomètres de Tokomadji, le poste de santé de Toufunde Cive, qui a commencé ses activités de prise en charge de la malnutrition modérée et sévère en Mai 2008, est aujourd’hui ‘victime de son succès’ au-delà des frontières : sur les quelque 120 enfants qui y étaient suivis pour malnutrition en novembre, plus d’une cinquantaine venait de la région de Matam, au Sénégal, située juste de l’autre côté du fleuve Sénégal qui coule à quelques dizaines de mètres de là.

 

Le jour où IRIN a visité le centre, une mère sénégalaise venait de traverser le fleuve en pirogue avec sa fille, âgée de 19 mois, l’enfant présentant des complications liées à la malnutrition deux semaines après avoir été dépisté.

 

« Sa mère l’a ramenée parce qu’elle était inquiète », a expliqué Amadou Ba Samba, l’infirmier chef du poste de santé de Toufunde Cive. « L’enfant a des œdèmes aux pieds et à la tête, on a expliqué à sa mère qu’il fallait l’évacuer vers l’hôpital de Kaédi ».

 

Une décision parfois difficile à accepter pour des habitants de l’autre côté du fleuve. « C’est la troisième fois que le cas se présente, mais les familles n’acceptent pas toujours d’aller à Kaédi », a dit M. Ba Samba, ajoutant que l’éloignement géographique limitait aussi le suivi des enfants. « Si l’enfant est absent [pour sa prise en charge], c’est difficile d’aller le chercher de l’autre côté du fleuve parce qu’on ne sait pas exactement où il se trouve ».

Des campagnes de dépistage de la malnutrition sont régulièrement organisées au niveau des centres de santé, mais les familles ne viennent pas toujours jusque là. Pourtant, même si de nombreux facteurs autres que le dépistage et la prise en charge influent sur les taux de malnutrition – éducation, facteurs socio-économiques –, la Croix-Rouge comme d’autres organisations humanitaires estiment que la prise en charge de la malnutrition dès le stade modéré a très probablement une influence sur les taux de mortalité liés à la malnutrition sévère. 

« Parfois, les familles savent [que l’enfant est malnutri] mais elles ont honte d’aller se montrer au poste de santé, surtout si [le soignant] est une personne plus âgée », a-t-il dit à IRIN. « Ou alors l’enfant est malade mais la famille ne [réalise] pas que c’est lié à un problème de malnutrition, elle se dit que l’enfant va finir par guérir ».

C’est ce qui est arrivé à la petite-fille d’Aminetou Gemoul. Lorsqu’il y a trois mois, sa fille est venue la voir avec l’enfant âgée de 18 mois parce que cette dernière était « très malade, mais sa maman ne savait pas pourquoi », Mme Gemoul, qui a reçu une formation d’agent de santé communautaire, a immédiatement compris et référé l’enfant au dispensaire de Koundel, à trois kilomètres de là, qui traite la malnutrition.

« L’enfant a été sevrée tôt parce que sa maman est retombée [enceinte], elle mangeait seulement de la semoule et du riz », a-t-elle raconté. « Quand je l’ai vue arriver si faible, j’ai cru qu’elle allait mourir ». La petite va mieux et est toujours suivie aujourd’hui.

D’autres raisons expliquent que les familles n’aillent pas toujours au dispensaire. « Les gens ont beaucoup de préoccupations », a dit Aminata Diack, ‘mère-relais’ dans le périmètre de Nima, dont le rôle est entre autres de sensibiliser les villages sur les questions de malnutrition ou encore d’hygiène, de les préparer aux campagnes de dépistage et de faire le suivi des enfants malnutris.

« Ils travaillent dans les champs, donc parfois ils oublient le jour du dépistage au centre ou du rendez-vous pour la prise en charge, ou alors ils sont occupés avec des travaux pénibles, comme aller puiser de l’eau. Ils sont aussi très pauvres, ils n’ont pas toujours les moyens d’aller jusqu’au [dispensaire] ».

C’est le cas de Khadiatou Ba, mère de trois enfants, dont le plus jeune âgé de deux ans vient d’être dépisté lors d’une autre opération porte-à-porte organisée le même jour dans le village de Tokomadji, à quelques kilomètres de Nima.

« Le petit est toujours malade, il ne mange pas bien et il n’a pas de poids, mais je n’ai pas les moyens d’aller au [dispensaire] », a dit la jeune mère de 25 ans. « Mon mari ne travaille plus : il faisait du transport de passagers et de marchandises avec sa charrette, mais maintenant les voitures peuvent venir jusqu’ici et les gens ne veulent plus de la charrette ». 

Aminetou Gemoul with her daughter and 18-month grand-daughter. In August, the little girl was tested for severe malnutrition thanks to her grand-mother, and has now almost completely recovered. Nima village, near Kaédi, Southern Mauritania, November 2009
Photo: Anne-Isabelle Leclercq/IRIN
Aminetou Gemoul avec sa fille et sa petite-fille de 18 mois. En août, la petite fille a été dépisté pour une malnutrition sévère, elle s'est maintenant presque complètement remise
La malnutrition est prise en charge gratuitement – grâce à un financement ECHO (Office d’aide humanitaire de la commission européenne) du projet mené par la Croix-Rouge française en partenariat avec le Croissant-Rouge mauritanien, le Programme alimentaire mondial et l’UNICEF - tout comme des pathologies telles que le paludisme et la tuberculose, prises en charge par l’Etat. Les consultations sont également gratuites, mais les familles doivent prendre en charge les ordonnances pour les autres soins.

La mise en place d’unités de prise en charge de la malnutrition a aussi considérablement facilité la tâche des dépisteurs : les familles font dépister beaucoup plus facilement leurs enfants sachant qu’ils seront pris en charge s’ils sont malnutris, a dit M. Diallo. « Dès l’ouverture [des services de prise en charge], on a pu récupérer des enfants sévèrement malnutris, maintenant ils sont sortis guéris et on les suit ».

« Les femmes sont vraiment très contentes, parfois elles dansent quand leurs enfants sortent guéris », a dit Mme Diack.

Les campagnes de dépistage porte-à-porte permettent aussi de localiser précisément où se trouvent les enfants malnutris, et de pouvoir assurer le suivi. « Lorsqu’un enfant continue à perdre du poids ou quand il ne se présente pas pour la prise en charge, je vais à domicile voir ce qu’il se passe, [vérifier] si la bouillie pour l’enfant est bien préparée, ou si l’hygiène est bien respectée : si ce n’est pas le cas, j’explique et je montre », a dit Mme Diack.

S’il est encore trop tôt pour évaluer scientifiquement l’impact du dépistage et de la prise en charge de la malnutrition, les données de l’enquête SMART indiquent que les taux de malnutrition dans les zones d’activités de dépistage et prise en charge sont largement inférieurs à la moyenne enregistrée dans cette région du sud de la Mauritanie – environ 12 pour cent, contre 16,8.

ail/

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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