Christopher Barrett, éminent expert de l’aide alimentaire qui enseigne l’économie du développement à l’université Cornell, à New York, a averti que le monde ne devrait pas oublier qu’il doit tirer ses populations pauvres du piège de la pauvreté ; piège que la crise mondiale des vivres et des carburants a rendu d’autant plus menaçant.
En 2008, les bailleurs, qui ont donné plusieurs milliards de dollars au PAM, se sont montrés « remarquablement généreux », selon Richard Lee, porte-parole de l’organisation humanitaire, mais du fait de la double crise des vivres et des carburants, le nombre d’affamés est aujourd’hui plus élevé.
L’agence a déjà été contrainte de réduire les rations distribuées au Zimbabwe et en Ethiopie. Et le bilan pourrait être plus lourd encore en 2009, à en croire les rapports récents de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l’International Food Policy Research Institute (IFPRI), organisme américain.
La crise alimentaire de 2008 a déjà fait 40 millions d’affamés, portant le nombre de sous-alimentés du monde à près d’un milliard, selon le Rapport 2008 de la FAO sur l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. Bien que les prix des vivres et des carburants aient baissé, ils restent élevés en raison de l’instabilité des marchés, d’après la FAO. Les coûts des intrants agricoles, qui ont plus que doublé depuis 2006, devraient également contraindre les agriculteurs pauvres à moins semer.
Pour l’avenir, l’IFPRI a averti, dans son analyse du double impact, sur l’agriculture et les populations pauvres, de la crise financière et de la crise des prix alimentaires, que le nombre d’affamés continuerait d’augmenter. Ainsi, dans 12 ans, 16 millions d’enfants en plus pourraient être atteints de malnutrition, à une époque où encore moins de personnes, dans le monde, auront les moyens de se procurer des céréales de base telles que le maïs, le riz ou le blé, qui coûteront peut-être entre 13 et 27 pour cent plus cher.
Dans certaines régions d’Afrique, les besoins en fonds pour nourrir les populations affamées sont restés élevés en raison des conflits et des rigueurs du climat : le Soudan (851 millions de dollars), l’Ethiopie (633 millions de dollars), la Somalie (403 millions de dollars), le Zimbabwe (276 millions de dollars), l’Afghanistan (275 millions de dollars) et la République démocratique du Congo (258 millions de dollars) sont les premiers pays sur la liste du PAM.
« ...Les pauvres ne peuvent pas manger des devises, ni de la terre, ni la bonne volonté de leurs voisins ou des gouvernements... » |
Des bailleurs hors norme
Faire appel à des bailleurs inhabituels a porté ses fruits : la Chine a récemment versé 4,5 millions de dollars à la suite d’un appel de fonds mondial, lancé par le PAM pour faire face aux difficultés créées par les prix élevés des vivres et des carburants, et l’Arabie Saoudite a donné 500 millions de dollars pour aider le PAM à combler son déficit de financements.
En 2007, l’agence d’aide alimentaire a également conclu un partenariat de collecte de fonds avec Yum! International, propriétaire des marques Kentucky Fried Chicken et Pizza Hut, qui compte 35 000 restaurants dans 112 pays, parvenant ainsi à récolter 16 millions de dollars dès la première année. « Nous recherchons les contributions individuelles par le biais du "Mur contre la faim" [Wall Against Hunger], une initiative dans le cadre de laquelle quiconque peut faire un don au nom d’une personne, dont la photographie pourra être affichée sur un mur virtuel, sur notre site Internet », a indiqué M. Lee.
Josette Sheeran, directrice exécutive du PAM, a fait remarquer, à l’attention des bailleurs traditionnels, qu’un pour cent seulement de la somme versée par les Etats-Unis et l’Europe pour sauver le système financier et financer les plans de relance suffirait à financer entièrement les opérations de l’agence. « De même que nous nous occupons des géants de Wall Street et des intérêts menacés du travailleur moyen, nous ne pouvons pas oublier les populations pauvres qui n’ont vraiment rien ».
Porte de sortie
Dans son analyse, l’IFPRI a appelé à la création d’une réserve de céréales d’urgence, en guise de solution durable à la crise. Bien que cette réserve de céréales soit « effectivement souhaitable », a indiqué M. Barrett à IRIN, pour « traiter les causes structurelles sous-jacentes des souffrances humaines », il faut investir dans « la recherche agricole de base et dans le capital humain, pour augmenter la productivité, les revenus et la résistance des populations pauvres, et dans les améliorations des infrastructures institutionnelles et physiques, pour réduire les risques auxquels sont exposées les populations les plus vulnérables du monde ».
Mais ces investissements doivent reposer sur des « preuves solides de ce qui marche et de ce qui ne marche pas ». Il y a quelques années, M. Barrett, avec Michael Carter, professeur d’agriculture et d’économie appliquée à l’université du Wisconsin, a plaidé en faveur d’une augmentation de l’aide au développement accordée aux pays pauvres.
« Les pauvres ne peuvent pas manger des devises, ni de la terre, ni la bonne volonté de leurs voisins ou des gouvernements », avait-il commenté. « Ils doivent avoir accès à des marchés et à des technologies qui leur permettent de transformer leurs atouts en revenus durables et suffisants pour vivre une vie saine ».
M. Barrett a expliqué à IRIN que cette fois, en raison des contraintes budgétaires, « il y a un compromis direct à faire entre les secours humanitaires et l’investissement à long terme, qui permettra de traiter les causes structurelles sous-jacentes des souffrances humaines. C’est pourquoi il est si important de définir et d’observer les meilleures pratiques, pour gérer avec sagesse les maigres ressources dont on dispose ».
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