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Comment soigner les victimes du trafic ?

Les prestataires de santé, souvent les premiers professionnels dont l’aide est sollicitée par les victimes du trafic de personnes, se lancent souvent dans la lutte contre le crime organisé sans y avoir été correctement préparés, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

L’agence estime qu’il faut s’assurer d’urgence que des soins soient prodigués aux victimes de la traite et espère combler cette lacune en publiant bientôt des directives à l’attention des travailleurs de la santé.

Ces directives globales, qui devraient être publiées d’ici à la fin du mois de décembre, doivent permettre d’aider les prestataires de santé à reconnaître et à traiter les victimes du trafic.

Un groupe d’experts de la santé et du trafic d’êtres humains collabore actuellement en vue d’informer les prestataires de santé des risques qu’ils encourent en traitant les victimes du trafic –personnes recrutées ou transportées dans une autre région pour y travailler dans des conditions de coercition et de maltraitance, selon la définition des Nations Unies.

D’après Cathy Zimmerman, spécialiste de la santé et du trafic d’êtres humains à la London School for Hygiene and Tropical Medicine et chercheuse principale dans le cadre de la formulation de ces directives, les poursuites judiciaires engagées contre les trafiquants ont pris le pas sur le traitement des victimes.

« On s’est focalisé sur la formation des représentants de la police [et] des services d’immigration, et les soins de santé apportés aux victimes se sont perdus dans le lot. On trouve toute sorte de manuels mondiaux sur la mise en application de la loi, mais rien sur les principes élémentaires de soin et de traitement à appliquer auprès des victimes de la traite ».

Pour Mme Zimmerman, il s’agit là d’une « lacune énorme », car l’instinct des prestataires de santé risque de les mettre en danger, de même que leurs patients.

« Que faire lorsque vous travaillez aux urgences et qu’une fille se présente pour une hémorragie ? Elle a fait une fausse couche et présente des signes de maltraitances ; elle est mineure et vous soupçonnez qu’elle est retenue captive. D’instinct, votre première réaction pourrait être de vous faufiler à l’arrière et d’appeler la police. Mais si la police est complice et fait partie du réseau [de trafic] ? Et si c’était la police qui l’avait fait passer de l’autre côté de la frontière ? ».

Les mesures à prendre

L’une des 17 fiches d’information qui composent la version préliminaire du manuel s’intitule « Les mesures à prendre si vous soupçonnez un cas de trafic » ; pour le scénario ci-dessus, le prestataire se voit conseiller de parler à la patiente et d’appeler une organisation humanitaire.

Les thèmes traités dans les fiches d’information sont les risques et les conséquences sanitaires, la communication et la collaboration avec les interprètes, la protection physique et la sécurité, l’orientation sans risque des victimes, les soins de santé mentale, les soins urgents et les interactions avec les autorités chargées du maintien de l’ordre.

« ...Que faire lorsque vous travaillez aux urgences et qu’une fille se présente pour une hémorragie ? Elle a fait une fausse couche et présente des signes de maltraitances ; elle est mineure et vous soupçonnez qu’elle est retenue captive. D’instinct, votre première réaction pourrait être de vous faufiler à l’arrière et d’appeler la police. Mais si la police est complice et fait partie du réseau [de trafic] ? Et si c’était la police qui l’avait fait passer de l’autre côté de la frontière ?... »
Mme Zimmerman, experte du trafic, recommande aux travailleurs de la santé de se montrer prudents avant d’accorder leur confiance, lorsqu’ils soignent des victimes du trafic : « L’interprète peut être l’oncle de la victime. Le prestataire de santé doit envisager la possibilité qu’il soit à la fois l’oncle et le trafiquant ».

Rosilyne Borland, représentante de l’OIM à Genève, a expliqué à IRIN que certaines patientes étaient conduites à l’hôpital par des individus qui ne voulaient pas leur bien.

« Une victime de trafic à des fins d’exploitation sexuelle est moins rentable pour son trafiquant si elle a contracté une infection sexuellement transmissible. Le trafiquant va l’emmener se faire soigner, ce qui peut donner lieu à une situation dangereuse ».

Toujours selon Mme Borland, même lorsque les victimes s’échappent et se présentent seules pour être soignées, elles risquent de n’être pas hors de danger.

« Même si elles sont à l’abri d’un danger immédiat, il reste le facteur crime organisé, qui les menace. Elles peuvent avoir été suivies. Des gens qui disent être des représentants des autorités ou des médias peuvent demander des renseignements. Les risques qu’on encourt en violant le principe de confidentialité des informations sur le patient sont plus importants [que pour un patient ordinaire]. Non seulement divulguer ces informations serait contraire à l’éthique, mais cela aurait également des conséquences désastreuses ».

La vérité de qui ?

Mme Zimmerman et son groupe d’experts expliquent dans ces directives, qui seront publiées prochainement, à quel point il est plus difficile de découvrir la vérité sur la situation d’une personne lorsque celle-ci a été soumise à la coercition et à des maltraitances physiques et psychologiques.

Abdoulaye Diop, médecin, travaille auprès des enfants des rues de Dakar, par le biais du Samusocial Sénégal, une organisation non-gouvernementale (ONG).

Selon lui, les enfants forcés à travailler ont appris à se protéger : « Les enfants disent la vérité, mais au départ, c’est leur vérité, leur réalité. Ils refusent d’admettre la situation et ils ont peur de dire la [réelle] vérité. Si vous êtes patients, la vérité finira un jour par sortir, mais vous ne pouvez pas les acculer contre un mur et les forcer à parler ».

Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT), le travail forcé touche plus de 12 millions de personnes dans le monde ; environ 43 pour cent des victimes du trafic des êtres humains sont des travailleurs du sexe, et environ un tiers sont exploitées dans le secteur de l’agriculture, aux domiciles de particuliers ou dans des ateliers de misère.

Dans la plupart des cas, les victimes du travail forcé sont exploitées par des agents privés. Mais Mme Zimmerman, chercheuse, conseille de ne pas se limiter à la définition légale du trafic.

« Jusqu’à quel point faut-il être exploité pour être considéré comme une victime du trafic ? Le trafic, en tant qu’étiquette, peut être exclusif et ne pas englober certaines personnes, qui ont besoin d’aide », a-t-elle dit.

Il est plus urgent, estime-t-elle, de permettre aux patients maltraités de retrouver leur dignité : « Quand vous avez été retenu captif et torturé, vous perdez le contrôle de ce qui arrive d’un moment à l’autre. Vous n’avez tout simplement aucune idée de ce qui va se passer ensuite. Nous [les prestataires de santé] pouvons commencer à rendre [aux patients] ce sentiment de contrôle, en clinique ».

pt/np/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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