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Les Zimbabwéens fuient, avec leurs espoirs et 50 dollars en poche

A Messina, ville frontalière d’Afrique du Sud, un panneau d’affichage accueille en ces mots les immigrants zimbabwéens : « Nous savons pourquoi vous êtes en Afrique du Sud : la vie au Zimbabwe, c’est l’enfer, ces temps-ci ». Sur ce panneau, il leur est également demandé de retourner chez eux pour voter lors des prochaines élections, le mois prochain. Mais jusqu’ici, la frontière n’est strictement traversée que dans un sens.

Janvier a été un mois chargé pour les autorités de Messina. Après avoir passé Noël avec leurs familles, les migrants zimbabwéens sont retournés en Afrique du Sud pour gagner l’argent qui leur permet de subvenir aux besoins des leurs, restés au pays. Certains jours, il est arrivé à la police d’expulser jusqu’à 500 personnes ayant traversé la frontière clandestinement.

En février, elle n’en expulsait plus que 100 par jour, mais ce nombre ne représentait qu’une partie des Zimbabwéens expulsés d’Afrique du Sud. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui dirige un centre d’accueil pour personnes expulsées à Beitbridge, une ville située à la frontière zimbabwéenne, apporte son aide à quelque 10 000 personnes chaque mois. Et ce nombre ne comprend pas les personnes qui refusent d’être aidées, préférant tenter immédiatement de retraverser la frontière.

Ces dernières semaines, les pluies estivales ont gonflé les eaux du fleuve Limpopo, qui délimite la frontière, rendant la traversée trop périlleuse. Certaines personnes se sont donc résolues à sauter par-dessus la barrière de la passerelle qui enjambe le fleuve, filant le long d’une pente en béton en ignorant les cris d’avertissement des gardes-frontières, pour disparaître ensuite dans la brousse et rester tapies jusqu’à ce que les patrouilles régulières soient passées. Dernière étape, lorsque le calme est revenu : passer trois rangées de fils barbelés.

Peter Ncube*, passeur zimbabwéen, aide les clandestins à traverser la frontière. Lorsque le niveau de l’eau est bas, il utilise une embarcation de fortune, guidée par deux personnes qui se frayent un chemin dans l’eau. « Les gens ont peur, mais il n’y a pas [d’autre] solution. Les grand-mères, les grands-pères, les mères, les pères et les enfants… tous [veulent] venir en Afrique du Sud pour chercher du travail [...] pour pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles ».

M. Ncube a constaté une augmentation progressive du nombre de migrants qui traversent la frontière, à mesure que l’économie du Zimbabwe s’est détériorée, et cette tendance est bonne pour ses affaires. M. Ncube vit à Messina depuis 10 ans et a de la famille des deux côtés de la frontière. L’argent qu’il gagne (jusqu’à 50 dollars américains par personne) lui sert à faire vivre ses enfants, encore au Zimbabwe. « J’aide quelqu’un, il me donne un peu d’argent… au moins, je réussis aussi à subvenir aux besoins de ma famille ».

La plupart des migrants veulent aller à Johannesburg, centre économique de l’Afrique du Sud. Depuis la frontière, ils poursuivent leur chemin à pied, se dirigeant vers des points de collecte désignés, où ils embarquent à bord de taxis-minibus pour la prochaine étape de leur parcours.

Pour éviter les patrouilles frontalières, ils finissent souvent par se réfugier sur des terrains privés. Jan Knoetze, propriétaire d’une ferme située près de la frontière, rencontre souvent des Zimbabwéens « affamés, bouleversés et assez démunis » sur sa propriété. « Je les ai vus boire de l’eau chaude d’un tuyau – ils ne laissaient même pas l’eau refroidir, ils boivent l’eau chaude telle qu’elle », a-t-il rapporté à IRIN.

Bienvenue en Afrique du Sud

Contrairement aux autres exploitants agricoles, M. Knoetze ne voit guère l’intérêt d’alerter la police, les clandestins expulsés revenant souvent directement du côté sud-africain de la frontière. Pour sa part, la commissaire Maggy Mathebula, chef des forces de police de Messina, n’est pas de cet avis : « Il est vrai qu’ils ne cessent de revenir. Si nous renvoyons un camion [de clandestins dans leur pays] le matin, l’après-midi même, la moitié des [clandestins] expulsés au cours de la matinée sont arrêtés de nouveau. Mais c’est notre devoir ; nous devons sans cesse continuer de le faire ».

Les clandestins appréhendés sont placés au centre de détention de Messina, où ils peuvent manger et se laver avant d’être rapatriés. Lorsque le correspondant d’IRIN s’est rendu sur place, les femmes serraient fermement les miches de pain qui leur avaient été données au centre.

« Ça, c’est bien, parce que maintenant, je retourne [à la maison] avec du pain », a commenté Esther Sibanda, qui retournait volontairement au Zimbabwe, avait-elle dit, pour voter aux élections du 29 mars. Lorsque les clandestins expulsés arrivent au centre d’accueil de l’OIM, de l’autre côté de la frontière, ils se voient offrir une aide supplémentaire, sous forme de colis de nourriture, d’examens de santé et d’un moyen de transport pour les ramener dans leurs villes d’origine.


Photo: Anthony Kaminju/IRIN
Miriam Gumbo, 22 ans, fait la queue avec d’autres femmes clandestines, leurs affaires dans des fourre-tout en plastique, leurs bébés sur le dos. Elles attendent d’embarquer à bord du camion qui les ramènera dans leur pays. Mais Miriam s’est juré de revenir. La jeune fille avait traversé le fleuve avec son mari et leurs jumeaux de 10 mois, avant d’être arrêtée après avoir franchi la barrière.

Peur de rien

Ce n’était pas sa première tentative : elle était déjà venue en Afrique du Sud en 2004 et avait été expulsée en 2007. Mais le Zimbabwe ne lui a offert aucun avenir.

« Il n’y a rien à manger et nulle part où dormir. C’est tellement difficile avec mes bébés ». Elle et son mari avaient tenté de se rendre à Johannesburg pour y chercher du travail et n’ont pas été dissuadés par leur dernier revers. « Je réessayerai de venir. Je n’ai pas peur, parce qu’il [n’y a pas de vie] au Zimbabwe ».

En janvier, selon les estimations du Fonds monétaire international, le taux d’inflation au Zimbabwe s’élevait à 100 000 pour cent et continuait d’augmenter, et seuls deux habitants sur 10 avaient un emploi. Le taux de mortalité maternelle et de mortalité des nourrissons et des enfants de moins de cinq ans y est également supérieur au seuil d’alerte internationale.

En outre, bien que les taux de nutrition ne soient pas les plus faibles de la région, le Zimbabwe est le seul pays où l’on observe une aggravation des tendances en matière de retard de croissance et de sous-poids.

Bon nombre de « migrants sans papiers » qui réussissent à passer entre les mailles du filet se dirigent juste au sud de Messina, vers un tunnel de béton creusé sous l’autoroute qui mène à Johannesburg. Cet endroit est connu pour être une bonne cachette, un lieu propice pour attendre les premières lueurs du jour, lorsque les taxis-minibus arrivent pour emmener les clandestins vers leur destination.

L’entrée du tunnel est marquée par une vieille paire de chaussures abandonnées et des emballages alimentaires jetés ça et là. Les murs servent de panneaux d’affichage géants : « Dieu tout puissant, bénissez mon trajet jusqu’à Joburg [diminutif anglais désignant Johannesburg], au nom de Jésus. Amen », daté du 5 octobre 2007, ou « Chikoko "Big Fish" – mène un parcours vers l’inconnu ». Les messages contiennent également des informations, notamment le croquis d’un bus Pioneer Transport, le service de transport favori de bon nombre de migrants.

À la question « la police est-elle submergée par le nombre de migrants qui traversent la frontière ? », Mme Mathebula a répondu : « Avec eux, nous sommes toujours occupés. Nous craignons que, si cela se termine, nous n’ayons plus de travail ».

Entre-temps, les autorités de Messina sont en train de construire un énorme commissariat de police, ainsi qu’un centre de détention capable d’accueillir 1 500 personnes, soit près du double du nombre actuel.

* Certains noms ont été changés

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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