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Les croyances traditionnelles entravent la PTME

Un cochon, la moitié d’un sac de riz, un peu de maïs noir et cinq litres d’eau-de-vie de sucre de canne : voilà les ingrédients qu’utilise un guérisseur traditionnel, en Guinée-Bissau, pays d’Afrique du l’Ouest, pour pratiquer un rituel qui permettrait, selon les croyances populaires, d’empêcher les femmes qui ont accouché de contracter le VIH.

Selon certains, si ce rituel, connu sous le nom de tarbessadu, n’est pas pratiqué, la mère sera frappée par une maladie, qu’elle transmettra ensuite à son compagnon.
Dilma (un nom d’emprunt), 27 ans, ne sait que trop combien ses concitoyens croient en ce rituel. Séropositive, elle a tenté en vain de faire en sorte que son mari aille se faire soigner à l’hôpital de la ville. Celui-ci refuse, convaincu qu’il n’y a qu’une seule explication à sa maladie : le fait que le rituel du tarbessadu n’a jamais été pratiqué sur sa femme.

« Il est là [à la maison], au lit. Avant, il marchait avec un parapluie comme canne, mais maintenant il ne peut même plus marcher ; il est vraiment mal en point. Quand la nuit tombe, il pleure beaucoup et il arrive à peine à dormir », a-t-elle confié à IRIN/PlusNews.

La faute aux femmes

Si ces rituels revêtent une telle importance, c’est parce que le VIH est encore relativement inconnu en Guinée-Bissau, a expliqué Ali Hizazi, psychologue à Céu e Terra (Ciel et terre), une organisation non-gouvernementale (ONG) italienne qui travaille auprès des femmes enceintes séropositives.

Le taux de prévalence du VIH dans le pays est estimé à quatre pour cent. « Les gens n’acceptent pas le sida en tant que maladie, alors ils l’attribuent à un manquement, à une erreur de la part des femmes, pour lesquels ils sont châtiés », a expliqué M. Hizazi.

Les femmes elles-mêmes croient souvent être responsables d’avoir introduit le virus au sein de leurs familles. « La faute est intériorisée, car l’homme n’accepte tout simplement pas cette responsabilité. Il pense que Dieu le punit de la promiscuité de sa femme en l’infectant », a-t-il expliqué.

Selon une étude menée en 2006 pour évaluer les connaissances, les attitudes et les comportements des populations en matière de VIH/SIDA, un tiers de la population pense que le sida dépend de la volonté de Dieu. Selon M. Hizazi, c’est au sein de l’ethnie des Balantes, qui représente 20 pour cent du 1,4 million d’habitants que compte la Guinée-Bissau, que le tarbessadu est le plus pratiqué.

Difficile prévention de la transmission verticale

La culture et l’inégalité des sexes exercent aussi une influence dans ce domaine. Selon l’étude de 2006, la plupart des Guinéens mettraient un terme à leur relation si leur compagnon était séropositif – c’est pourquoi de nombreuses femmes enceintes craignent de se soumettre à un test de dépistage du VIH.

Les statistiques du Secrétariat national pour la lutte contre le sida (SNLS) indiquent néanmoins que 75 pour cent des 4 124 femmes enceintes ayant reçu des informations sur le dépistage au cours de leurs examens prénataux, pendant les deux premiers trimestres de 2007, avaient accepté de se faire dépister. Deux cent dix-sept de ces femmes avaient été déclarées séropositives, mais seuls 42 pour cent de leurs partenaires avaient consenti à un dépistage.

« De nombreuses mères désespèrent, se tournent vers la médecine alternative, ou ne comprennent tout simplement pas la gravité de la situation »
Pour ne rien arranger, seuls deux centres de santé offrent des services de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) dans tout le pays. Un constat problématique, a reconnu Paulo Mendes, président du SNLS.

« Il nous est difficile de planifier normalement des traitements prophylactiques contre la transmission de la mère à l’enfant, en raison des problèmes que nous rencontrons en termes de ressources humaines, financières et matérielles. C’est la triste vérité », a-t-il déploré.

Manque de suivi

Il est également difficile d’assurer le suivi attentif des mères et de leurs bébés jusque 18 mois après l’accouchement. Entre 2002 et 2006, Céu e Terra est parvenue à assurer le suivi de quelque 800 nourrissons seulement, soit moins de la moitié des bébés nés de mères séropositives pendant cette période.

« De nombreuses mères désespèrent, se tournent vers la médecine alternative, ou ne comprennent tout simplement pas la gravité de la situation », a déclaré Oscar Basisio, président de Céu e Terra. « Le fait est que plus de la moitié d’entre elles n’ont pas continué le traitement ».

Pour bon nombre de Guinéens, le tarbessadu reste la meilleure méthode de prévention. Isabel (un nom d’emprunt), de l’ethnie des Mandjaks, ne connaissait pas ce rituel, bien qu’elle ait épousé un Balante. « À l’époque, je ne connaissais pas cette cérémonie. Il ne m’en avait rien dit », s’est-elle souvenue.

Lorsqu’Isabel a eu son premier enfant, en 1994, elle et son bébé étaient en bonne santé. C’est en 2003 qu’elle a découvert sa séropositivité et, après son deuxième mariage, elle s’est soumise au tarbessadu en la présence de son époux et de son premier enfant.

« Parfois, je me mets à penser que je suis séropositive parce que j’ai attendu si longtemps avant de faire le rituel », a-t-elle admis. « Mais, je chasse ensuite ces pensées de mon esprit ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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