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Des traditions dangereuses

Limitée par le « watta satta », une tradition culturelle qui consiste pour deux familles à échanger des femmes par le mariage, Nuzhat (un nom d’emprunt), 22 ans, ne peut pas révéler qu’elle est infectée au VIH et ne peut donc pas recevoir de traitement.

« Je sais bien ce qui va arriver –Je serai renvoyée de la maison de mon mari et ma propre famille ne m’acceptera jamais non plus. Cela veut aussi dire que le foyer de mon frère sera ruiné. Sa femme est la soeur de mon mari et elle aussi devra faire ses bagages. Dans tous les cas, où irai-je ? », a-t-elle demandé, alors qu’elle se trouvait à Karachi, capitale de la province de Sindh, dans le sud-est du Pakistan.

La tradition du watta satta, qui veut dire littéralement « prendre et donner », désigne l’échange de fiancés entre familles, échange au cours duquel un frère et une soeur d’une famille épousent une soeur et un frère d’une autre famille, souvent des proches parents.

Près d’un tiers des mariages dans les zones rurales du Pakistan sont fondés sur cette tradition, selon une étude. Dans certaines parties du pays, comme dans la province de Sindh, cette proportion est même plus élevée.

Nuzhat est un exemple classique de la féminisation du VIH/SIDA qui semble faire un grand nombre de victimes chez les jeunes femmes dans la région Asie-Pacifique, où l’épidémie est alimentée principalement par l’inégalité entre les sexes.

Des experts sanitaires estiment qu’il y aurait 85 000 personnes vivant avec le VIH sur une population de 160 millions d’habitants au Pakistan -50 pour cent de ces personnes vivent dans la province de Sindh.

D’après le Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, près de 40 pour cent des nouveaux cas sont enregistrés chez les femmes, et la Global coalition on women and AIDS, une initiative de l’ONUSIDA, estime que les femmes représentent actuellement 30 pour cent des adultes vivant avec le VIH en Asie. Des statistiques exactes du nombre de femmes vivant avec le VIH au Pakistan ne sont pas disponibles.

Des attitudes, pratiques et stéréotypes sociaux inébranlables, qui légitiment souvent la violence contre les femmes, ajoutés à un accès inégal aux ressources économiques, freinent les tentatives d’enrayer la propagation de l’épidémie.

Le mariage, pas une protection

Lors du huitième Congrès international sur le sida en Asie et dans le Pacifique, qui s’est tenu en août au Sri Lanka, la tendance inquiétante d’une hausse du taux de prévalence du VIH parmi les jeunes femmes mariées a été soulignée.

Le docteur Naseem Salahuddin, une spécialiste des maladies infectieuses de l’hôpital national Liaquat à Karachi, a constaté une augmentation de la transmission du virus des maris à leur femme : un tiers des 200 personnes vivant avec le virus qu’elle a traitées depuis 1998 sont des femmes, principalement mariées.

« Ce n’est pas seulement un problème de santé, cela doit être vu comme un problème socio-culturel », a-t-elle commenté.

Garder leur maladie secrète par peur, et donc ne pas recevoir de traitement, est une pression insupportable pour des femmes comme Nuzhat. « Je ne peux plus faire bonne figure », a-t-elle dit.


Photo: Zofeen Ebrahim/IRIN
L'inégalité entre hommes et femmes est toujours largement répandue
Le docteur Saleem Azam travaille avec les consommateurs de drogues injectables depuis 25 ans, et recense 5 000 d’entre eux dans son association, la Pakistan society. Au cours des dernières années, il a constaté une propagation inquiétante du virus parmi eux et craint l’impact que l’épidémie pourrait avoir sur les autres, particulièrement sur les femmes.

M. Azam a convaincu le mari de Nuzhat de la faire dépister au VIH, mais lorsqu’il l’a vue il y a six mois, « elle était sur le point de craquer » et il a dû l’envoyer pour un suivi psychiatrique. « Ce n’est pas [le problème de] la stigmatisation qu’elle pense qu’elle subirait, c’est [sa certitude du] rejet catégorique de la part de sa famille », a-t-il dit.

Taufig, le mari de Nuzhat, un travailleur journalier, n’est pas seulement un consommateur de drogues injectables, y compris d’héroïne, il est aussi consommateur d’alcool et a des partenaires sexuelles multiples. Savoir qu’il est séropositif ou qu’il a infecté sa femme, et peut-être leur fille, fait peu de différence à ses yeux.

Pas de recours médical

Quand « il n’y a plus rien eu à manger » à la maison, Nuzhat a décidé de chercher un travail. Sans qualifications adéquates, elle n’a pas eu beaucoup d’autres opportunités que de travailler dans un salon de beauté local, bien qu’elle ne puisse pas sortir sans une escorte masculine.

En dépit de ses revenus maigres et irréguliers, Taufig a maintenu son mode de vie en battant souvent Nuzhat pour la forcer à partager son salaire, ou en empruntant à sa mère.

La santé de Nuzhat se détériore, mais son mari en fait peu de cas.

« J’ai souvent des fièvres. Des bouffées de chaleur arrivent de nulle part mais j’ai trop peur pour aller demander une aide médicale. Je suis toujours accompagnée par un membre de la famille. Si je vais voir un médecin, ma belle-mère viendra. Que se passera-t-il si elle soupçonne quelque chose et le révèle ? », s’est-elle désespérée.

Cette peur ne l’empêche pas seulement de recourir à l’aide d’un centre géré par le Programme de lutte contre le sida de Sindh (SACP, en anglais), qui fait partie du programme national de lutte contre l’épidémie, mais cela l’empêche aussi de faire dépister sa fille de deux ans, qui est aussi souvent malade. « Je ne peux pas prendre le risque », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews.

Elle a exprimé le sentiment que les femmes dans sa famille n’avaient pas droit au statut d’êtres humains. « Nous sommes traitées comme du bétail, battues régulièrement pour le moindre petit prétexte », a-t-elle dit.

« La seule justification de notre existence semble être de procréer ou de procurer du plaisir sexuel aux hommes. Même ma mère le pense, comme ma belle-mère. Elles vivent toutes les deux en ville, mais cela ne veut pas dire que leur mentalité a changé. Parfois je sens... que je deviendrai comme eux si je continue à vivre dans cet environnement suffocant », a-t-elle noté.

La discrimination, l’inégalité de pouvoir dans les relations entre hommes et femmes et la dépendance économique ont exacerbé le problème, a estimé le docteur Azam.

« Le pouvoir inégal rend les femmes encore plus vulnérables, entraînant des relations sexuelles et forcées souvent à leur désavantage, avec peu de possibilités pour elles de refuser ces relations sexuelles ou de négocier des rapports protégées », a-t-il dit.

ze/ds/he/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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