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Concevoir des essais de prévention du VIH efficaces, un défi

Les moyens de protection du VIH sont de plus en plus connus, mais ils restent limités et tout le monde n’y a pas accès : les femmes, qui ne peuvent refuser les rapports sexuels ou négocier l’utilisation du préservatif, sont les populations qui payent le plus lourd tribut à la maladie. En Afrique subsaharienne, les femmes âgées entre 15 et 24 ans sont quatre fois plus vulnérables au virus que les hommes du même âge.

Il est peu probable que les scientifiques trouvent une solution miracle à la lutte contre le sida d’ici les prochains mois. Toutefois, de nouvelles technologies de prévention, comme les vaccins et les microbicides, pourraient doter les populations d’outils supplémentaires pour combattre le virus.

Malheureusement, l’élaboration d’outils de prévention est un travail de longue haleine qui dépend de la participation de milliers de bénévoles à des essais cliniques et de la bonne volonté des partenaires, des familles et des communautés.

La préparation d’un site de recherche pour des essais cliniques de grande envergure sur des humains peut prendre plusieurs années. En outre, les essais sont extrêmement onéreux et les scientifiques ne peuvent se permettre de dilapider les ressources limitées et de ruiner la confiance du public en commettant des erreurs lors de l’élaboration et la conduite de ces essais.

Par exemple, l'interruption précoce de l'essai clinique sur un microbicide, en Afrique du Sud, en janvier 2007, après que les résultats préliminaires ont démontré que le produit pouvait augmenter les risques d'infection au VIH, ainsi que la mauvaise presse qui a suivi ont rendu la situation encore plus complexe.

« Lorsque vous concevez un essai clinique, vous devez faire en sorte qu’il soit le meilleur essai possible, car vous n’aurez peut-être pas l’occasion de travailler de nouveau sur un tel projet », a expliqué le docteur Claire Von Mollendorf, de l’Unité de recherche sur la santé génésique et le VIH (RHRU, en anglais) de l’Université de Witwatersrand à Johannesbourg, en Afrique du Sud, qui a travaillé sur plusieurs essais cliniques de microbicides - des gels protecteurs à appliquer avant les rapports sexuels.

Lors de l’élaboration d’un essai clinique de prévention du VIH, les scientifiques doivent prendre en compte un élément qu’ils ne peuvent contrôler ou prévoir : le comportement humain. Dans le cadre de produits comme les microbicides, que les participants doivent appliquer eux-mêmes, les facteurs impondérables sont encore plus importants.

S’assurer qu’un produit ou un placebo réparti au hasard soit distribué de façon équitable parmi les participants permet de limiter les conséquences de ces facteurs impondérables. Cependant, les scientifiques sont souvent contraints de croire sur parole les participants qui disent avoir utilisé le gel protecteur.

Gérer les impondérables

Selon le docteur Quarraisha Abdool Karim, du Centre pour les programmes et la recherche en Afrique du Sud (CAPRISA an anglais), l’une des plus grandes difficultés dans le domaine des essais cliniques de prévention du VIH est l’absence de « marqueurs substituts », qui mesurent l’effet d’un traitement en fonction des résultats escomptés.

Dans le cadre d’essais de nouveaux traitements, la charge virale des participants séropositifs (quantité de virus dans le sang) et les cellules CD4 (qui indiquent la résistance du système immunitaire) sont mesurées afin de déterminer l’efficacité d’un médicament.

« Le seul marqueur [substitut] dont on dispose pour la sécurité et l’efficacité dans le cadre d’essais cliniques de prévention du VIH est l’infection au VIH. Nous ne disposons de rien d’autre », a expliqué Mme Abdool Karim.

Ainsi, faute d’indicateurs supplémentaires, les scientifiques dépendent des rapports présentés par les participants bénévoles, a-t-elle précisé.

Différentes techniques sont utilisées afin de surveiller l’observance et d’améliorer la fiabilité des rapports. Un essai de microbicide appelé Pro2000, qui est actuellement dirigé par la RHRU à Johannesbourg, fait appel à des scientifiques en sciences sociales qui s’entretiennent longuement avec les participants.

Les résultats de ces entretiens sont ensuite comparés aux discussions, plus courtes, menées par le personnel de santé et aux « carnets de rapports sexuels » tenus par les femmes.

« Si nous remarquons des divergences, nous leur demandons des explications, et nous pouvons ainsi avoir une idée de la fiabilité des rapports rédigés par les participants », a souligné Jonathan Stadler, un scientifique en sciences sociales qui travaille pour la RHRU.

Des essais qui progressent

Les entretiens menés par les scientifiques en sciences sociales permettent d’obtenir des informations détaillées sur l’observance et présentent l’avantage de donner un meilleur aperçu des expériences vécues par les femmes qui participent à l’essai et utilisent le gel.

« Même si Pro2000 se révèle inefficace, nous pourrons toujours nous servir des enseignements tirés de cet essai », a déclaré Jonathan Stadler, car les chercheurs continuent d’avancer sur la base de leurs expériences précédentes. « Il n’y a pas que les produits qui évoluent, les essais eux aussi progressent. »

A moins de se trouver dans la chambre à coucher des participants, la méthode la plus fiable pour les scientifiques de garantir une observance consiste à « surveiller directement » les participants en leur demandant de se rendre quotidiennement à la clinique pour appliquer le gel.

Cependant, cette méthode est très controversée et est toujours au cœur des débats. Une « surveillance directe » nécessite un nombre plus restreint de participants, car l’observance est un facteur essentiel de l’essai. Son inconvénient est que les scientifiques perdent les données relatives à l’utilisation du produit en situation réelle.

Le docteur Quarraisha Abdool Karim partage ce point de vue. « Si vous avez eu des rapports sexuels imprévus et si vous n’avez pas eu le temps de faire ce que vous auriez dû faire [appliquer le gel], c’est la vie. Il s’agit d’un facteur que nous devons prendre en compte », a-t-elle rappelé.

Selon elle, le suivi quotidien est une preuve d’un manque de confiance et de respect envers les participants.

« Ces bénévoles exposent leur corps à un produit non breveté au nom de la science. En conséquence, si une personne dit avoir fait telle chose, il n’y a aucune raison de ne pas la croire », a-t-elle estimé.

Une meilleure prévention exige des essais plus importants

Les scientifiques à la tête d’essais cliniques de prévention du VIH doivent mesurer les effets complémentaires d’une intervention après s’être assurés, pour des raisons éthiques, que les participants ont accès à des mesures efficaces de protection, telles que des préservatifs, des traitements des infections sexuellement transmissibles et des services de conseil et de dépistage du VIH.

En conséquence, les personnes participant aux essais cliniques courent moins de risques de contracter le virus que les autres, mais comme l’a souligné le docteur Glenda Gray, de l’unité de recherche périnatale du VIH à l’Université de Witwatersrand (PHRU), à Soweto, « nous ne vivons pas dans la chambre à coucher des individus, et nous ne sommes pas là pour leur mettre les préservatifs. »

Malgré les services de conseil et de prévention, les résultats des essais cliniques sont liés au fait que les participants n’adoptent pas toujours des rapports sexuels à moindre risque. Les prochains essais cliniques devront tenir compte des nouvelles méthodes de prévention.

En se fondant sur les résultats d’essais cliniques menés en 2006 selon lesquels la circoncision masculine peut réduire de manière significative les risques de contracter le VIH, les scientifiques qui travaillaient sur les essais d’un vaccin appelé ‘Phambili’ (aller de l’avant), qui ont été récemment interrompus, en Afrique du Sud, proposaient déjà aux participants de subir une ablation du prépuce.

Dans son rapport annuel de 2007, Resetting the Clock (Remettre les pendules à l’heure), l’AIDS Vaccine Advocacy Coalition a souligné : « lorsque le taux d’incidence baisse, l’essai prend de l’ampleur et lorsque l’essai prend de l’ampleur, le prix et la durée de l’essai augmentent également. »

« Cela entraîne nécessairement des coûts supplémentaires », a ajouté le docteur Abdool Karim. « Mais lorsque vous travaillez avec des populations particulièrement exposées au risque d’infection par le VIH, vous devez, pour des raisons éthiques, les informer et leur proposer des interventions dont l’efficacité a déjà été prouvée. C’est la façon dont je conçois la recherche. »

Obstacles à venir

Comme l’a démontré la lente adoption de la circoncision masculine à des fins médicales, prouver l’efficacité d’une méthode de prévention en menant des essais cliniques constitue souvent le premier obstacle qui entrave la mise en œuvre de nouvelles méthodes de prévention.

En outre, il est difficile de trouver des laboratoires prêts à produire des microbicides et des vaccins à un prix abordable pour les populations des pays en développement, où le besoin est le plus pressant.

Selon le docteur Claire Von Mollendorf, il faudra attendre encore cinq années avant de trouver des microbicides de « première génération » partiellement efficaces dans les pharmacies. Et il faudra être encore plus patient avant de pouvoir se procurer un vaccin.

« C’est un long processus, mais avons-nous d’autres choix ? », a-t-elle demandé. « Je ne pense pas. »

Le VIH/SIDA est responsable d’une telle crise sanitaire publique en Afrique australe que le docteur Abdool Karim pense que les scientifiques « ne peuvent pas attendre que tous les points soient mis sur les I » avant d’agir sur la base de résultats d’essais encourageants.

« La science n’est qu’un aspect », a-t-elle déclaré récemment aux délégués présents à une conférence nationale sur le sida organisée à Durban, une ville située sur la côte est de l’Afrique du Sud, « c’est ce que nous faisons de la science [qui fera la différence]. »

ks/he/oa/cd/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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