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Héroïne, cocaïne et VIH

Serrano et Mafalala, les quartiers de la zone militaire de Maputo, la capitale mozambicaine, sont connus des toxicomanes comme ceux où il est le plus facile de se procurer des drogues injectables. Héroïne, cocaïne et amphétamines sont vendues et consommées sur place, dans de petites maisons.

« Les toxicomanes y laissent toujours des seringues qui sont réutilisées par d’autres », a dit Ezequiel, ex-héroïnomane et cocaïnomane, qui a demandé que son nom de famille ne soit pas mentionné. « Pour un toxicomane, acheter une seringue signifie dépenser de l’argent. Ce fric, ils préfèrent l’utiliser pour acheter de la drogue ».

Ezequiel a commencé à sniffer de la cocaïne à 23 ans. Aujourd’hui, à 29 ans, il se souvient des malheurs qu’il a vécus à cause de la drogue : la perte de sa maison et de ses amis, la prostitution et le VIH.

« J’ai commencé à sniffer pour me sentir plus à l’aise dans le monde de la nuit, pour mieux parler aux filles », s’est-il souvenu. « Mais j’en suis devenu dépendant et j’ai commencé à m’injecter de l’héroïne aussi ».

Selon Ezequiel, lorsque l’offre de drogue à Maputo est abondante, les prix baissent et la plupart des toxicodépendants préfèrent sniffer ou fumer, mais « lorsqu’il y a pénurie, l’injection procure plus d’effets et coûte moins cher », a-t-il dit.

La dépendance conduit les toxicomanes à vendre des biens tels que montres, chaussures et habits, tandis que certains vont jusqu’à voler pour se procurer de la drogue, a-t-il raconté.

« Une fois j’ai eu un rapport sexuel avec un autre homme pour me faire de l’argent, mais j’ai utilisé un préservatif. J’avais besoin d’héroïne et je n’en avais plus », a dit le jeune homme.

Après trois ans de toxicodépendance, ses parents ont découvert qu’il vendait leurs biens et l’ont expulsé de la maison ; il a aussi perdu un ami, consommateur de drogues injectables également, victime d’une infection liée au sida.

Inquiet, il a décidé de faire le test et a découvert qu’il était séropositif.

Les drogues en Afrique
De 2000 à 2004, les plus importantes saisies de cocaïne ont été effectuées au Cap Vert, suivi de l’Afrique du Sud, du Kenya, du Ghana et du Nigeria
En 2005, environ deux millions de personnes consommaient des amphétamines sur le continent africain
La production d’amphétamines est en augmentation en Afrique du Sud. Entre 1995 et 1999 un laboratoire a été fermé chaque année. Entre 2000 et 2004, ce nombre est passé à 17
En 2004, les autorités sud-africaines ont fermé 28 laboratoires de métamphétamines
L’Afrique du Sud est le 11ème pays de destination de l’ecstasy dans le monde


Source: ONUDC
« Je partageais des seringues avec des personnes séropositives et je le savais », a-t-il avoué à IRIN/PlusNews. « Mais dans la foulée on l’oublie. Je croyais qu’il suffisait de nettoyer la seringue à l’eau avec du citron pour éliminer le VIH. Je crois que j’ai attrapé le virus en me piquant ».

Même si l’infection par le VIH parmi les consommateurs de drogues injectables est une réalité, elle n’est pas prise en considération ni considérée comme prioritaire dans la lutte contre le sida au Mozambique.

Le Plan stratégique national de lutte contre le VIH/SIDA 2005-2009 ne mentionne même pas ce groupe comme étant vulnérable.

Un phénomène à prendre en considération

Pourtant, pour Ana Leão, chercheur de l’Institut d’études sur la sécurité à Pretoria, en Afrique du Sud, malgré le fait que le problème des drogues injectables au Mozambique ne soit pas aussi important que dans d’autres pays, il doit être pris en compte.

« Je vois des héroïnomanes qui traînent vers un supermarché à Maputo » a-t-elle dit.

Le représentant pour l’Afrique australe de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Jonathan Lucas, a également estimé qu’il faudrait prendre des précautions pour que ce qui s’est passé en Afrique australe ne se répète pas au Mozambique.

Au Kenya, on recense environ 30 000 toxicodépendants. Pour une population de 34,2 millions d’habitants, la séroprévalence du VIH est de 6,1 pour cent, mais elle peut atteindre 50 pour cent parmi les consommateurs de drogues injectables, selon une étude effectuée par le gouvernement.

A Zanzibar, île semi autonome de la Tanzanie, qui fait frontière au nord avec le Mozambique, une étude a révélé qu’en 2005 le taux de séroprévalence du VIH parmi les consommateurs de drogues injectables était de 30 pour cent, et de 12 pour cent pour les consommateurs d’autres drogues.

La relation entre la consommation de drogues injectables et la transmission du VIH au Mozambique sera bientôt analysée par l’organisation non-gouvernementale internationale John Snow Incorporated.

A la demande du gouvernement, cette ONG réalisera une étude sur les personnes qui utilisent des seringues sans autorisation du ministère de la Santé, comme par exemple les anciens professionnels de la santé et les consommateurs de drogues.

« Je pense que là où il y a de l’information sur le VIH, il y a de la prévention, mais lorsqu’il n’y a pas d’information on court un grand risque », a dit Mario Marrengula, un des responsables de l’étude.

Selon l’ONUDC, de cinq à 10 pour cent de toutes les infections par le VIH dans le monde sont liées à la consommation de drogues injectables avec le partage de seringues et d’aiguilles contaminées.


Photo: L.Bonanno/PlusNews
Le magasin du REMAR, une organisation qui aide les toxicomanes à lutter contre leur dépendance à la drogue et à se réinsérer
On estime à 13 millions le nombre de consommateurs de drogues injectables dans le monde, 78 pour cent d’entre eux vivant dans les pays en développement.

M. Lucas a expliqué que l’héroïne arrivait au Mozambique du Pakistan et de l’Afghanistan, tandis que la cocaïne provenait d’Amérique Latine. La plupart des amphétamines sont produites en Afrique australe, car leur fabrication est simple et les risques liés au trafic sont moindres.

Remonter la pente

Il y a trois ans, sur les conseils d’un ami, Ezequiel a connu le groupe Réhabilitation des marginaux (REMAR), créé il y a 25 ans en Espagne et aujourd’hui actif dans 58 pays. « C’était mon salut », a dit Ezequiel.

Les activités de REMAR se concentrent surtout sur les consommateurs de drogues, mais le groupe vient en aide également à des orphelins et des sans-abri.

La stratégie adoptée par l’association avec les toxicomanes consiste à les maintenir occupés, a expliqué Diogo Fonseca, un Mozambicain lui-même ancien toxicomane, aujourd’hui missionnaire de REMAR.

« Nous en envoyons beaucoup à la ferme, où ils se dépensent physiquement et libèrent, en transpirant, les composants chimiques de la drogue. Lorsqu’ils rentrent chez eux, ils sont fatigués et ne pensent pas à se droguer », a-t-il expliqué. 

D’autres travaillent dans un magasin d’articles ménagers situé dans une avenue de Maputo, dont les bénéfices sont versés au groupe REMAR. « Ils se sentent utiles », a dit M. Fonseca.

Le Mozambique, avec une population de 19,8 millions d’habitants, affiche un taux de prévalence du VIH de 16,2 pour cent, soit l’un des 10 taux les plus élevés au monde.

Face à cette situation, M. Fonseca a prôné une stratégie de santé publique pour la prévention de l’infection au VIH fondée sur la « réduction des dégâts », c’est-à-dire la mise à disposition des toxicomanes de seringues jetables.

Combien ça coûte au Mozambique...

Un gramme d’héroïne : 20 dollars. Satisfait une personne pendant une journée

Un gramme de cocaïne : 32 dollars. Satisfait pendant quelques heures

Une seringue jetable : 0,15 dollar

Salaire minimum national : 62 dollars


Avec cette mesure, qui n’est pas sans provoquer une certaine polémique, puisqu’elle fournit un outil aux toxicomanes, certains pays d’Amérique Latine et de l’Europe de l’Est ont déjà réussi à diminuer la propagation du VIH.

Selon M. Lucas, la réduction des dégâts devrait être intégrée à des programmes de prévention et de traitement.

« Cela ne sert à rien de fournir des seringues et des aiguilles jetables à un toxicomane sans lui offrir un traitement adéquat », a estimé le représentant de l’ONUDC.

Ezequiel suit un traitement antirétroviral depuis un an ; il pense, cependant, que s’il avait reçu des aiguilles jetables et avait été mieux informé sur le VIH, il ne serait pas séropositif aujourd’hui.

« La drogue ne doit plus être considérée comme une affaire criminelle, mais comme une affaire de santé », a-t-il dit. « Il faut aider les toxicomanes, pas les exclure ».

Le Rapport mondial sur les drogues 2007 de l'ONUDC

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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