Directeur des services de santé de Mbouda (une agglomération située à 300 kilomètres à l’ouest de Yaoundé, la capitale), Ngouafong Pascal s’inquiète. « Compte tenu de la dégradation des conditions sanitaires et des antécédents épidémiologiques, il est possible qu’une nouvelle épidémie se déclare ».
Selon M. Ngouafong, la communauté a créé dernièrement une cellule de veille locale pour signaler les nouveaux cas de diarrhée et de déshydratation (deux signes du choléra).
Une à deux fois par jour, les autorités locales acheminent de l’eau, dans un camion-citerne [d’une contenance de 12 000 litres], depuis une autre station de captage située à 20 kilomètres de là, mais cela ne suffit pas. Les habitants font la queue pendant des heures derrière le camion, jerrycans à la main. « Nous ne disposons pas de ressources financières suffisantes pour faire plusieurs rotations afin de satisfaire tout le monde », a déclaré à IRIN Victor Toussé, secrétaire général de la mairie de Mbouda.
Dans l’ouest du Cameroun, la période de soudure (qui dure généralement de la mi-novembre à la mi-mars) s’est prolongée cette année et les sources d’eau se tarissent, selon le docteur Ngouafong et les populations de Mbouda.
« Je n’ai jamais connu de sécheresse de cette ampleur, ici », a déclaré un habitant, qui vit à Mbouda depuis 10 ans et s’est simplement présenté sous le nom d’André.
La station de captage de Mbouda est alimentée par les pluies et les cours d’eau voisins, mais le flux d’eau est interrompu, à l’heure actuelle, par un manque de précipitations et par les activités agricoles pratiquées dans certaines zones boisées autrefois protégées.
« L’alimentation de Mbouda en eau a été entièrement suspendue depuis le mois de février dernier », a confirmé M. Toussé.
Certains habitants se lèvent de bonne heure pour aller faire la queue aux quelques sources d’eau naturelles encore exploitables de temps à autre, telles que les ruisseaux, mais selon un expert local de l’environnement, cette eau n’est pas propre à la consommation, des latrines ayant été construites à proximité.
Photo: Reinnier Kazé |
Certains habitants se lèvent de bonne heure pour aller chercher de l’eau aux quelques sources d’eau naturelles encore exploitables de temps à autre |
Les toilettes ont été fermées dans bon nombre de quartiers et d’hôpitaux, a-t-il également indiqué.
A en croire Tangwa Sa’a, de Knowledge For All (KFA), une association locale de défense de l’environnement, les pénuries d’eau graves qui touchent la région ne sont pourtant pas surprenantes.
Alerte précoce
« Cette situation est imputable d’une part à l’absence d’anticipation des autorités publiques, et d’autre part au refus de prendre en compte les alertes précoces des organisations locales de la société civile », a-t-il expliqué.
Depuis 2003, KFA tire la sonnette d’alarme concernant les conséquences de la désertification dans la région des Monts Bamboutos (principale source d’eau pour les habitants de Mbouda et des localités voisines).
Plusieurs zones de la réserve forestière de cette région montagneuse, préservée pendant plusieurs dizaines d’années, ont en effet été transformées en exploitations agricoles, selon M. Tangwa.
Or, « lorsque le couvert végétal est détruit par le décapage du sol à des fins agricoles, et que des eucalyptus sont plantés sur les sources d’eau [de la région], il est normal que l’eau tarisse », a-t-il expliqué à IRIN. « Il est absolument nécessaire de répertorier toutes les causes pertinentes de désertification observées dans la zone montagneuse de la région avant d’envisager toute action, faute de quoi nous courrons vers de nouvelles pénuries des ressources du sous-sol », a-t-il averti.
Lors d’un déplacement à Mbouda, le 14 mars, Jean-Bernard Sindeu, ministre de l’Eau et de l’Energie a promis de faire construire un forage pour assurer aux populations locales une meilleure alimentation en eau.
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